Affichage des articles dont le libellé est Vengeance & Haine. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Vengeance & Haine. Afficher tous les articles

jeudi 21 avril 2016

Retour inespéré des chroniques avec le Silmarillion

[Pause-lecture] Le Silmarillion, de il maestro J.R.R. Tolkien, édition assemblée et préfacée par Christopher Tolkien

Coucou Gandalf et Monsieur le Balrog ! On est contents de
vous voir, mais... qu'est-ce que vous faites ici au juste ?

Les Premiers Jours du Monde étaient à peine passés quand Fëanor, le plus doué des Elfes, créa les trois Silmarils. Ces bijoux renfermaient la Lumière des Deux Arbres de Valinor. Morgoth, le premier Prince de la Nuit, était encore sur la Terre du Milieu, et il fut fâché d'apprendre que la Lumière allait se perpétuer. Alors il enleva les Silmarils, les fit sertir dans son diadème et garder dans la forteresse d'Angband. Les Elfes prirent les armes pour reprendre les joyaux et ce fut la première de toutes les guerres. Longtemps, longtemps après, lors de la Guerre de l'Anneau, Elrond et Galadriel en parlaient encore.

----

Titre original: The Silmarillion (compilé et édité en 1977)
Origine: Angleterre
Traduit par Pierre Alien (1978)
Edition: Pocket - Collection SF/Fantasy (1984)




Lire du Tolkien, c'est toujours un petit événement pour moi. C'est clairement le genre de lectures que je décide à l'avance, histoire de bien me préparer, mentalement et physiquement, à replonger dans son oeuvre. Parce que pour moi, on ne lit pas Tolkien comme on lirait n'importe quoi  : c'est quelque chose qui doit se faire dans de bonnes dispositions, tranquillement installé dans un jardin, à l'ombre d'un vieux chêne millénaire (parce que quand même, c'est la classe) ou au calme chez soi, avec une douce lumière chaude, une bonne tasse de thé ou de chocolat à portée de main, et une pipe au bec (éteinte, c'est meilleur pour la santé) . 

Une fois ces conditions remplies, enfin on peut s'ateler à la lecture de l'ouvrage, et s'immerger enfin à nouveau en Terre du Milieu. Car c'est seulement bien installé et la pensée claire que l'on peut ressentir toute la force de l'oeuvre du maître, le souffle des âges, la tempête des batailles, la beauté de ces lieux d'un temps perdu, le déchaînement des passions causant peu à peu la ruine de cet univers, mais qui en même temps ne font que le magnifier... Et le Silmarillion, c'est ce récit, inachevé mais puissant, terrible mais grandiose, c'est l'histoire tragique d'un monde fait pour la beauté mais qui court indéniablement vers sa perte.  

Alors, certes, en lisant le Silmarillion, on découvre la genèse du monde d'Arda, on apprend qui est réellement Sauron, on réalise enfin quel est le destin tragique des Elfes, et que la Terre du Milieu n'est finalement que l'ombre de ce qu'elle fut par le passé; c'est l'occasion de faire connaissance avec le terrible Morgoth, les Valar, les Silmarilli, leur créateur Fëanor et ses descendants, et toute une foule d'autre personnalités des premiers Âges dont quelques figures bien connues (au hasard, une certaine Galadriel et un certain Elrond...) ; et donc, ne serait-ce que d'un point de vue informatif et culturel, c'est un livre intéressant et incontournable, notamment parce qu'il est la fusion parfaite des inspirations - nordiques notamment - et de l'imagination de son auteur. Mais c'est aussi tellement plus que ça : c'est la porte ouverte à toute une mythologie riche qui en appelle à notre propre passé, c'est une galerie de portraits présentant toutes les vertus et les vices du genre humain, mais surtout, c'est tout un ensemble d'histoires magnifiques, de destins croisés qui viennent former cette immense tapisserie qu'est le Silmarillion.


Fingolfin's Challenge to Morgoth, par cet autre grand bonhomme qu'est John Howe.
(Parce que quand même, il faut bien égayer un peu avec de belles images.)

J'ai toujours énormément de mal à parler de Tolkien en fait, et surtout de ce Silmarillion ; difficile en effet de ne pas redire une énième fois ce qui a été déjà dit un bon trouzemilliards de fois par d'autres lecteurs, oui c'est un récit dense, pas forcément évident à lire, notamment au début, qui demande donc de l'implication, et oui, pour peu qu'on s'intéresse un peu à son univers et son oeuvre, le jeu en vaut largement la chandelle. Mais tout cela n'est finalement pas grand-chose, j'ai un peu l'impression en écrivant cela d'avoir affaire à des considérations techniques, qui ne permettent pas d'appréhender ce qu'est réellement l'oeuvre et de rendre justice à son auteur. Et je ne sais pas trop quoi écrire en fin de compte, parce que j'ai toujours beaucoup de mal à trouver les mots pour parler de ce bon vieux professeur, de toute l'admiration et le respect que j'ai pour ce grand monsieur, de tout ce qu'il m'a fait vivre et ressentir. Tout ça est dans mon coeur et mon esprit, mais pour le coucher sur papier, bonjour la misère... 

Donc au final, cette chronique ne ressemble pas à grand-chose, je ne sais pas quoi dire, on y apprend rien, il n'y a même pas d'humour ni le côté râleur habituel pour étayer tout ça, bref c'est bien pauvre pour un machin qui arrive 6 mois après le dernier "vrai" article, vous m'en voyez désolé. Disons que tout ça, ce sera pour la suite, et que là, c'était une petite pause "saute d'humeur" sur un livre avant la reprise d'un rythme plus régulier...


Bon allez, sur ce, je retourne hiberner pour six mois ! A la prochaine les cocos !


-----


J'ai longtemps hésité à le faire, mais finalement, je fais concourir cette simili-"chronique" 
au challenge viking, au vu des nombreuses inspirations nordiques de l'univers, et donc de l'oeuvre.

mardi 15 septembre 2015

Plongée dans l'univers de la saga nordique!

[Pause-lecture] Saga de Gísli Súrsson, auteur anonyme


Gísli est un Viking hors du commun; habité de généreux idéaux, fils respectueux, frère fidèle et mari aimant, il se trouve bien malgré lui dans une situation compliquée. Victime d'un destin impitoyable, il doit choisir entre venger son frère ou perdre son honneur.

Vengeance, jalousie, trahison, tous les ingrédients sont rassemblés pour nous offrir une histoire de vaillance, d'amour et de mort dans le monde rude des fiers guerriers vikings.

-----

Infos complémentaires:
Titre original: Gísla saga Súrssonar (XIIe siècle)
Origine: Islande
Traduit et Annoté par Régis Boyer (1987)
Edition: Gallimard - Collection folio (2004)
130 pages




Si la culture scandinave m'attire depuis longtemps, surtout pour l'aspect mythologique et artistique, ce n'est que depuis peu que j'ai commencé à m'intéresser aux textes norrois, notamment grâce aux Tolkien père et fils, pour La Légende de Sigurd et Gudrún (rédigée par le premier et commentée par le second) [vous pouvez retrouver la chronique de bibi en cliquant ici] 
Première entrée en matière dans les sagas nordiques, la Saga de Gísli Súrsson était donc une étape importante pour moi. Alors, fut-ce une bonne expérience? Hé bien, si au cours de ma lecture, mes impressions étaient un peu mitigées, avec le recul je peux affirmer que oui, l'expérience fut satisfaisante, et même enrichissante. 


Un film islandais, sorti en 1981, relate la tragique histoire de
 Gísli Súrsson, avec Arnar Jónsson dans le rôle principal.

Le premier point qui m'a marqué, c'est la narration. C'est vraiment un coup à prendre: le style est plutôt rude, direct et concis, les changements de temps ne sont pas rares et les ellipses, fréquentes. Sans longue pause descriptive, avec des éléments s'enchaînant à vitesse grand V, il m'est assez souvent arrivé de perdre le fil, et certains événements, ou des éléments dans l'attitude des personnages, Gísli en tête, m'ont échappé. Plutôt compliqué de suivre le récit dans ces conditions. Le grand nombre de personnages m'a également par moments dérangé, car par manque de descriptions et d'arbre généalogique, j'ai eu tôt fait de me mélanger les pinceaux, sans toujours me rappeler qui était qui. 
Ce type de narration est à mon avis bien plus adapté à l'oral pour être bien immersif, avec un narrateur capable de captiver l'auditoire par sa voix et sa gestuelle, et surtout auquel il est possible de revenir plus facilement sur certains détails, comme les relations liant les personnages par exemple.

Mais alors, me demanderez-vous, curieux que vous êtes, puisque tu parais si négatif, pourquoi dis-tu avoir trouvé l'expérience si satisfaisante?

Hé bien, bande de petits malins, c'est très simple, et l'on peut résumer tout cela en un mot (bon, deux si vous préférez) : l'aspect culturel. Tout d'abord, celui de l'œuvre en elle-même, qui possède un intérêt littéraire indéniable - le fait de pouvoir découvrir ce genre atypique et un peu oublié de nos jours qu'est la saga, un genre qui est le reflet de toute une époque et une civilisation, je trouve que c'est juste merveilleux - mais surtout, celui du récit, du cadre dans lequel il prend place. On est plongés en plein cœur de la culture norroise, et si l'on est souvet perdu devant la quantité de termes et principes obscurs, les abondants et toujours très intéressantes notes de Régis Boyer permettent d'éclaircir ces nombreux points. (petit regret à ce propos: les notes en fin de volume, et non en bas de page, qui obligent à faire un aller-retour constant un peu handicapant pour la fluidité de la lecture)
Loin des grandes expéditions de l'histoire d'Eirikr "le Rouge" Thorvaldson ou des raids guerriers sur les côtes d'Europe, loin des clichés Hollywoodiens,  c'est la vie quotidienne scandinave qu'on découvre, les us et coutumes de cette époque, ses lois, l'organisation finalement bien plus complexe qu'on se l'imagine de cette société. Mais c'est aussi tout un état d'esprit particulier qui est retranscrit à travers l'histoire humaine de Gísli, avec ses sombres histoires de famille à n'en plus finir, une quête constante du respect du sens de l'honneur (pour notre héros, du moins, pour les autres, on repassera...), des exploits guerriers, des histoires de vengeances, de politique, des affrontements où les mots ont autant de poids que l'épée... Bref, pas toujours évident à saisir à cause du décalage temporel et spatial, mais purée, qu'est-ce c'était intéressant, cette immersion dans l'univers viking!

Une troupe de Vikings se dirigeant vers le Thing, l'Assemblée viking.


Le mot de la fin


Si j'ai parfois eu du mal à suivre le récit, notamment à cause de la déroutante narration, la Saga de Gísli Súrsson fut néanmoins pour moi une bonne entrée en matière dans le genre de la saga. Et plus important encore, quelle belle plongée dans l'univers viking! Etant donné toutefois que beaucoup de choses m'ont échappé, je pense qu'une petite relecture ne me ferait pas de mal!


Il va de soi que je fais participer cette chronique au Challenge Viking! Par ailleurs, le récit datant de la fin du XIIe et relatant de surcroît des faits se déroulant au Xe, je la fais également participer au Challenge Moyen-Âge!



____________________________________

dimanche 21 juin 2015

[Japanimation] Ayakashi - Japanese Horror Classic


Série d'animation réalisée par Tetsuo Imazawa, Hidehiko Kadota et Kenji Nakamura
Titre original: Ayakashi
( 怪 〜ayakashi〜 )
Origine: Japon
Studio Toei Animation
Année de production: 2006
11 épisodes de 25 minutes


Allez savoir pourquoi, si certaines oeuvres ont un titre bien défini en version originale, personne n'arrive à se décider sitôt qu'il s'agit de les nommer en dehors de leurs frontières. Un peu l'image du deuxième film Saint Seiya ( l'exemple le plus probant que j'ai pu trouver) qu'en français on appelle, au choix, L'ardent combat des Dieux, La Bataille des Dieux, La Guerre des Dieux, ou parfois plus simplement Asgard le film, et j'en passe et des meilleures. Notez tout de même qu'à chaque fois (excepté pour la dernière proposition) la même notion est conservée, celle d'une marave divine, car il s'agit tout simplement de divergences de traductions. Ce qui n'est pas le cas de l'oeuvre qui nous intéresse aujourd'hui, où là, pour le coup, chacune des propositions met en avant une idée différente. 

L'art de la digression


Le titre japonais était pourtant à la base simplement "Ayakashi", mais par volonté sans doute pour les petits occidentaux incultes que nous sommes de le distinguer d'autres oeuvres du même nom (ou parce qu'ils considèrent qu'on est trop c*ns pour se contenter d'un mot japonais auquel on ne pige rien) le titre de la série a été en versions anglaise et française rallongé étrangement. Ainsi, nous avons l'embarras du choix: Ayakashi - Japanese Classic Horror, Ayakashi - Samurai Horror Tales, Ayakashi: Le théâtre de l'horreur, Ayakashi - Le Petit théâtre de l'Horreur (oui, même pour une différence aussi minime, pas moyen de se mettre d'accord)... c'est la foire au marché du titre! Et si à première vue, tous peuvent paraître semblables, ils véhiculent en fait chacun une idée différente. "Japanese Classic Horror" met l'accent sur le fait qu'il s'agisse de classiques de l'horreur japonaise; "Samurai Horror Tales" insiste de son côté sur le côté "féérique" et "légendaire" de ces histoires, en utilisant la figure quasi-mythique du Samouraï pour le rattacher à ce Japon de légende (un peu comme on le ferait avec nos chevaliers, par exemple); quant au "théâtre de l'horreur", il rappelle le kabuki, une forme de théâtre traditionnel nippon, auquel les histoires racontées se rattachent - on peut aussi aller plus loin en dressant des parallèles et tissant des métaphores entre le théâtre, l'horreur et la mise en scène, mais je n'en ferai rien aujourd'hui.
Peut-être m'avance-je un peu trop, mais cette disparité me donne un peu l'impression que les traducteurs/adaptateurs ne savaient pas trop comment prendre la série, sous quel angle elle devait être visionnée, ce que je n'ai aucun mal à comprendre - peut-être que, si vous n'avez pas vu la série, mes lignes vous aideront à saisir pourquoi. Pourtant, on retrouve des idées communes dans ces titres: l'horreur est à chaque fois présente, ainsi que le fait d'avoir toujours gardé le titre original - ayakashi - au début. Ayakashi, une espèce de mot bizarre utilisé pour définir un yokai comptant certainement quelques anguilles parmi ses ancêtres, mais aussi plus généralement un monstre, un esprit (chose à confirmer par un(e) japonophone de passage, ce serait cool). Et je trouve ça malin non seulement d'avoir gardé ce mot, mais en plus de l'avoir gardé tel quel. Non seulement, parce que, par son sens, il indique l'esprit fantasmagorique de la série, mais aussi parce qu'étant une notion indissociable du folklore japonais, il indique tout de suite dans quelle ambiance il va nous plonger.


Le vif du sujet


Amis amateurs de gore à la recherche de sensations fortes, laissez-moi vous dire que vous vous êtes visiblement gourés d'établissement. Là où l'horreur, telle qu'on l'entend aujourd'hui, exigerait de faire ressentir de la peur et de l'angoisse, à grand renfort de claustrophobie, de sang et de petites filles de gros monstres baveux, celle d'Ayakashi peut paraître un peu vieux jeu, ancrée dans la tradition du conte et du kabuki. Une horreur plus psychologique, portée sur la cruauté des sentiments humains, leurs désirs, leurs peurs et leurs vices incarnés en quelque sorte par les yokai. Il y avait quelque chose en fait qui m'a rappelé la tragédie shakespirienne - vous savez, celle où les malédictions pleuvent par paquet, où un membre du casting sur deux est fou, et où tout finit dans un bain de sang qui n'épargne généralement que le glandu qui arrive après la bataille pour récupérer la couronne et accessoirement constater que le tapis est foutu*. Le tout ancré jusqu'à la vase dans le folklore nippon. 
Ayakashi propose en effet trois histoires différentes, adaptations d'oeuvres pour les deux premières, ou histoire originale pour la troisième, mais toutes tournant autour de légendes et fantômes japonais.

[* Oui, c'est comme ça que je définis une tragédie shakespirienne-type. Il existe évidemment des exceptions, comme Roméo et Juliette où il n'y a pas de couronne à récupérer, ou Richard III, dans lequel ce n'est pas le tapis du salon, mais la pelouse qu'il faudra songer à remplacer.]


Arc I : Yotsuya Kaidan - réal. par Testuo Imazawa


Adaptation de la pièce de kabuki écrite par Tsuruya Nanboku en 1825, Yotsuya Kaidan nous conte la sombre histoire d'Oiwa, une jeune femme trahie par son époux Iemon, qui l'empoisonne et la pousse à la mort pour les beaux yeux d'une autre femme. Trompée et humiliée, Oiwa revient par la suite d'entre les morts pour assouvir sa vengeance. Trahisons, meurtres dans tous les coins, folie, cruauté, malédictions en tous genres...

Quand je parlais de "tragédie shakespearienne", c'est principalement à cette histoire que je pensais. C'est peut-être d'ailleurs inconsciemment cet aspect qui fait qu'elle m'a autant marqué, ajouté à son côté noir et glaucque. A vrai dire, je vous ai résumé très rapidement ce premier arc, mais niveau cruauté et rebondissements macabres, il est en réalité bien plus fourni que ce qu'il pourrait laisser supposer au premier abord. Il a pourtant quelque chose d'assez "à l'ancienne", aussi bien dans sa narration et sa mise en scène, que dans son animation et son chara-design... Pour tout vous dire, au début, je croyais même sincèrement avoir affaire à une série des années 90, c'est dire! Quelle n'a pas été ma surprise en découvrant que l'année de production était non pas 1992, mais 2006... Et pourtant, j'ai trouvé qu'il se dégageait un certain charme de cette animation un peu vieillote... En fait, je trouve même qu'elle sert parfaitement le propos: couplée au design particulier mais à mes yeux réussi des personnages, sa lenteur vient appuyer l'ambiance lourde et dérangeante qui se dégage de l'histoire. Un arc qui m'a donc marqué et que j'ai trouvé particulièrement réussi au niveau de son chara-design, son histoire, sa narration et l'ambiance lourde et glaucque qui s'en dégage, renforcée par une forme pourtant loin d'être au top techniquement.

-----

Arc II : Tenshu Monogatari - Hidehiko Kadota


Basé sur une nouvelle écrite par Kyoka Izumi en 1917 - qui deviendra par la suite une pièce de kabuki en 1951 - Tenshu Monogatari raconte l'histoire d'amour entre une princesse démone, Tomi, et un jeune fauconnier, Himekawa Zushonosuke (merci l'Internet!). La princesse Tomi est cependant à la tête du terrible château hanté d'Himeji, où elle vit avec ses soeurs démones en se repaissant des humains imprudents qui osent y pénétrer. Mais la rencontre entre Tomi et Zushonosuke va petit à petit faire évoluer cette situation, d'autant que le daimyo local voit d'un très mauvais oeil ce repaire de monstres qui l'importune plus qu'autre chose. Amour interdit, combats désespérés et êtres fabuleux sont au programme dans Tenshu Monogatari.

J'avoue avoir été plutôt surpris en constatant que cet arc avait été globalement préféré au premier, et pas qu'un peu. Pourtant, de mon point de vue, Tenshu Monogatari n'est pas au niveau de Yotsuya Kaidan. Premier point déjà: je ne suis pas très fan de la direction artistique. Certes, le chara-design est moins "daté", mais je lui trouve également beaucoup moins de charme, surtout en ce qui concerne les personnages masculins, assez laids, il faut bien le dire. Et puis, ces couleurs chatoyantes... Autant, dans l'arc suivant, elles conviennent parfaitement, autant ici, je ne les trouve pas forcément adaptées, il y a quelque chose qui sonne faux. Et puis cette animation... Là, pour le coup, malgré quelques scènes d'action plus réussies, elle plombe vraiment l'histoire. Ohlàlà, ces courses à cheval... Je n'en ai pas vu d'aussi raides depuis la Playstation première du nom... Et pour un arc qui en comporte autant, c'est vraiment dommage!

Mais le principal grief que je pourrais faire à l'encontre de Tenshu Monogatari concerne son récit. Non, je ne suis pas vraiment un grand fan des histoires d'amour. Ou plutôt, pour être vraiment exact, j'aime bien les romances, mais quand elles interviennent dans le contexte d'une autre histoire. Mais pourquoi pas, après tout; fondamentalement, je n'ai rien contre, juste que ça ne me passionne pas et qu'il en faut beaucoup pour me convaincre. Autant vous dire que d'emblée, Tenshu Monogatari ne partait pas vraiment gagnant. Et n'a pas fini gagnant non plus, en y réfléchissant.
Parce que, si j'ai apprécié le personnage de la Princesse Tomi, tiraillée entre ses origines, son rang, et sa curiosité envers les humains, je suis en revanche loin d'avoir porté dans mon coeur le jeune fauconnier. Assez rapidement, son caractère et son comportement me sont sortis par les yeux, et je me suis retrouvé du côté de la vieille Uba, à souhaiter qu'il se barre, se suicide, ou accepte de se faire manger par des fourmis en offrande aux kamis. Même leur supposée histoire d'amour sonnait creux, j'ai vraiment eu l'impression que le récit forçait les choses pour le bon déroulement de l'intrigue... mais non... Ce n'est pas comme ça que les sentiments fonctionnent... Et surtout, pas comme ça que vous réussirez à conserver mon intérêt. J'ai presque dû me forcer pour regarder les deux derniers épisodes!

Il y avait pourtant de bonnes idées, une histoire poétique sur le papier, quelques scènes plutôt jolies et réussies, certains passages mélancoliques, et même pour ce qui est du chara-design, les personnages féminins ont quelque chose d'assez gracieux. Et surtout, la bande-son est superbe (m'enfin, elle est commune à tout la série, pas uniquement à cet arc) et plonge tout de suite dans l'atmosphère mystico-fantastique étrange de la série. Mais à côté, tout cela est gâché par une romance assez plate à mon goût, des personnages peu intéressants, et une réalisation qui ne suit pas toujours. L'arc le moins bon des trois à mes yeux.

-----

Arc III : Bakeneko - Kenji Nakamura


Seule histoire vraiment originale du trio, Bakeneko présente un fantôme japonais très populaire - le... bakeneko. On y suit un étrange apothicaire, également exorciste, sur le lieu d'un mariage où la promise a été mystérieusement assassinée. Il s'avère bientôt qu'il s'agit de l'oeuvre du fameux bakeneko, revenu pour se venger. Chargé de son élimination, l'apothicaire ne peut toutefois le défaire sans connaître les raisons de sa haine. Il lui faut donc lever les mystères qui pèsent sur la Maison, afin de pouvoir vaincre son adversaire. Lourds secrets de famille, action idyllique et ambiance huis clos pour ce dernier arc visuellement atypique.

Sans aucun doute le plus intéressant des trois arcs en terme d'animation et de mise en scène, et peut-être mon préféré, même si Yotsuya Kaidan m'a davantage marqué. C'est une véritable extase visuelle, fourmillant de détails et de couleurs dans un style très marqué qui rappelle les estampes japonaises. On a également pas mal de bonnes trouvailles au niveau de la mise en scène qui viennent appuyer cette ambiance colorée un peu irréelle. J'ai également trouvé l'histoire et la narration très intelligentes, cette façon d'installer peu à peu le malaise dans ce huis clos, qui nous pousse finalement à vouloir en apprendre davantage sur les personnages, à savoir pourquoi on en est arrivé à cette situation. Et au final, là où dans Yotsuya Kaidan, dès le début, la couleur était annoncé, ici le masque de légèreté tombe de plus en plus au fur et à mesure des épisodes, pour révéler encore une fois la cruauté des sentiments humains. Oh, il y aurait tant à dire sur ce dernier arc, sur sa direction artistique, sur son ambiance, sur son héros, cet apothicaire si mystérieux et pourtant tellement charismatique... Toutefois, pour éviter de trop me répéter par la suite, je m'arrêterai ici. Car, peut-être le savez-vous déjà, mais le succès de cette dernière histoire fut tel qu'une autre série d'une douzaine d'épisodes reprenant le même personnage principal et se déroulant dans le même univers, a été produite. Cette série, Mononoke, je compte bien la regarder prochainement, et à ce moment-là, je vous en reparlerai plus en détail!


-----

Alors, en conclusion, Ayakashi, c'est à voir ou pas?


Hé bien, je dirais que si vous êtes féru de folklore et de légendes japonaises, vous pouvez tenter l'expérience. L'atmosphère est clairement un des points forts de la série, tous arcs inclus - oui, même le second que je n'ai pas aimé. Au niveau de la réalisation et de la direction artistique, c'est kif-kif bourricot, à vous de voir, en revanche la bande sonore est une vraie réussite. Après, gardez à l'esprit que chaque arc est totalement indépendant, donc si l'un ne vous branche pas trop, vous pouvez directement enchaîner avec le suivant sans être perdu - le dernier en revanche est incontournable, ne serait-ce que pour le côté expérimental de sa patte graphique et de sa mise en scène particulières.

Le mot inutile de la fin


Mais au final, Tonton Artalok, je n'ai toujours pas la réponse à ma question: horreur ou pas horreur?
Ne t'inquiète pas, cher petit lecteur perdu, je vais te répondre. C'est peut-être le titre qui t'a attiré vers cette série, avec l'éventuelle promesse de vivre une expérience gore et épeurante qui ferait passer Corpse Party pour un épisode des Bisounours**. Mais l'horreur d'Ayakashi n'est pas celle d'aujourd'hui, mais celle des origines, à base de folklore, de malédictions et de noirceur humaine, d'où provient la J-Horror actuelle. Ce n'est donc peut-être pas exactement ce que tu recherchais, cher petit lecteur, mais c'est aussi bien pour enrichir ta culture, tu ne crois pas? Allez, mes amitiés à toi, et que tes pas te guident vers de bonnes découvertes!

[** Après, tout dépend: si par exemple vous êtes comme moi, et que la perspective d'avoir à ne serait-ce qu'en supporter le générique constitue déjà en soi une expérience horrifique, inutile de dire que cette expression ne fonctionne pas.]


dimanche 8 février 2015

Retour sanglant dans la bédéthèque. George Martin n'a qu'à bien se tenir!

Sang Royal, tomes 1 et 2 (bande-dessinée)

Tome 1: Noces sacrilèges
Tome 2: Crime et Châtiment

     Infos complémentaires:
     Série: Sang Royal (3 tomes, en cours)
     Origine: France
     Auteurs: Alejandro Jodorowsky (scénario), Dongzi Liu (dessin et couleur)
     Edition: Glénat - Grafica (2010 -  2011)
     56 pages par tome


Sans blague, il ne vous fait pas penser à quelqu'un, Alvar?
Un certain "faucon", peut-être? Ou alors c'est juste moi...
Dans un pays d'inspiration médiévale en pleine guerre, alors que les envahisseurs orientaux sont sur le point d'être défait, le jeune Roi Alvar est blessé d'une flêche. Profitant de sa faiblesse, son cousin Alfred le trahit alors, usurpant son identité pour prendre sa place sur le trône. Laissé pour mort, Alvar est recueilli par Batia, une bergère bossue auprès de laquelle, il demeure pendant dix ans, amnésique. Durant cette période naît une fille, Sambra. Mais évidemment, Alvar finit par retrouver la mémoire, et est bien décidé à reprendre sa place. Mais maudit par Batia, il ne fait au final que préparer sa propre perte, et avec elle celle de ceux qui l'entourent.

Mon petit résumé ne paie certes pas de mine, mais que voilà un récit sanglant et cruel! Les personnages sont tous monstrueux, rongés par leurs ambitions ou leurs désirs personnels qui les poussent à commettre les pires atrocités. Car certes, c'est au départ l'histoire de la vengeance d'un seul, celle d'Alvar, mais le chemin de haine sur lequelle il s'embarque conduit les victimes à se venger aussi. Au final, les vengeances s'entrecoisent, toutes plus horribles les unes que les autres. Des langues, des seins, des nez coupés, du blasphème, de l'adultère, de l'inceste des meurtres à la chaîne, des hectolitres de sang, et des coucheries présentées de manière crue, voilà ce qui vous attend si vous vous lancez dans la lecture de Sang Royal. Autant dire que la série n'est pas à mettre entre les mains de tout le monde!

Et pourtant, je ne saurais dire pourquoi, je lui trouve quelque chose de fascinant. Peut-être à cause de cette cruauté, justement, que l'on retrouve chez tous les personnages: bien évidemment chez le Prince Rador, pourri gâté dans son enfance et devenu complètement tyrannique en grandissant, et la Reine Violena, une femme belle mais opportuniste au possible et aussi tyrannique que son fils sous ses airs doux; mais aussi chez Alvar, dur et si orgueilleux qu'il se croit aussi bien au-dessus des Hommes que de Dieu; Batia elle-même n'y échappe pas, puisqu'au delà de la mort, elle va jusqu'à maudire son ancien amant et sa propre fille, riant de leur malheur, dans un excès de tristesse. Quant à Sambra, c'est certes la moins pire, mais elle est loin  d'être irréprochable: elle commet l'inceste en toute connaissance de cause, aveuglée par son désir, et trouve le moyen de tromper à la fois son mari et son amant.

Pas la peine de râler, les cocos, je vous l'avais dit!
En fait, l'histoire a quelque chose de très théâtral, de très shakespaerien, même. Les personnages, ainsi que le désir de vengance et la folie d'Alvar sont à mi-chemin entre Richard III, Macbeth et Hamlet, la cruauté et cette orgie de vengeances entrecroisées ne sont pas sans rappeler Titus Andronicus, les réflexions sur la nature du pouvoir et l'aspect militaire semblent tout droit sortis de l'Henriad. L'histoire semble même adopter une structure en cinq actes, renforçant l'aspect théâtral. Le fantôme de Batia, qui lance les malédictions, paraît d'ailleurs un metteur en scène cruel, qui s'amuse des méprises et des malheurs des vivants, un spectateur invisible de la pièce macabre qui est en train de se jouer sous ses yeux.

Ce qui me fait marrer (mais doucement, quand même, y'a pas non de quoi se fendre la poire) c'est qu'au-delà des éléments scénaristiques, Jodorowsky reprend également certains codes typiquement shakespeariens, des machins qui fonctionnent au théâtre, mais pas forcément en BD. Comme les discours parfois un peu trop grandiloquents qui n'ont rien de naturel (même si c'est sympa à lire, hein!), les grosses ellipses temporelles de la mort-qui-tue (par exemple un "dix ans plus tard" qui arrive aussi naturellement qu'un "le lendemain", comme ça, sans prévenir) et des actions parfois tellement suggérées qu'on se demande si elles ont bel et bien eu lieu autrement que par les discours des personnages - ce qui donne parfois lieu à des scènes qui, prises avec un peu de second degré, sont juste super drôles.  
Pour vous donner un exemple, voici un charmant petit résumé des pages 43 à 47: 
             «  Je vais te tuer.   Moi aussi.  Non finalement, j'ai envie de toi.  Moi aussi. 
                     — Ah flute, nous sommes du même sang, nous ne pouvons pas...  T'as raison, c'est pas bien.
                     — Tiens, sans nous en rendre compte, nous venons de nous ébattre follement.
                     — Bon... on se marie du coup?  D'accord. »

Et voilà! Aussitôt dit, aussitôt fait!

Du coup, c'est dommage, parce que même si d'un certain point de vue, c'est rigoulol, d'un autre côté, ça dessert parfois un peu le récit. Je n'ai pas trop de soucis avec les ellipses de dix ans, personnellement, je trouve qu'ici ça passe, étant donné les points sur lesquels se concentre le scénario, la relation Alvar-Sambra en tête - ben oui, il faut bien attendre que la gamine grandisse et atteigne au moins la vingtaine... Ce serait encore plus malsain, sinon... Mais certains éléments s'enchaînent parfois de manière trop décousue (exemple ci-dessus) parfois trop rapide et on perd en crédibilité... Prendre un peu plus de temps pour souffler sur le côté, étoffer un peu plus les personnages et développer les relations n'aurait pas été de trop.

Mais ces points un peu négatifs sont largement rattrappés par le dessin, car, mes dieux! autant le dire tout de suite, ça envoie des rillettes par tartines de dix! Le rendu semi-réaliste, appuyé par une colo' superbe, renforce le côté cru du scénario, mais Dong Liu parvient également à lui insuffler de la vie, grâce à des personnages très expressifs et un joli travail sur le mouvement. Les décors et les personnages sont beaux - même les crasseux qui ont passé leur vie au milieu des ours ont un brushing impec' et du mascara; on se croirait dans un blockbuster Hollywoodien! -, l'ambiance est assez sombre, mais le tout est très détaillé, surtout durant les scènes de bataille. Je ne suis pas trop fan en revanche de la vision qu'offre Liu des spectres, mais c'est presque de l'ordre du détail. Au final, le tout est d'une grande richesse visuelle, de quoi largement compenser les failles du scénario.


Bilan des courses


Une fresque sanglante et cruelle très shakespearienne, les coucheries et les mutilations en plus, qui devrait ravir les amateurs du genre, et qui me fascine étrangement à chaque relecture, de par son ambiance glaucque à la limite du malsain et ses personnages tous plus monstrueux les uns que les autres. Si le scénario comporte quelques lacunes qui auprès de certains pourraient difficilement passer, le visuel les compense largement: c'est un véritable plaisir pour les yeux! Toutefois, gardez bien à l'esprit que c'est un récit très sombre à ne pas mettre entre toutes les mains - âmes sensibles s'abstenir!

(Notez que je n'évoque pas le tome 3, que je n'ai pas encore lu. A vrai dire, je pense sincèrement que les deux premiers tomes se suffisent à eux-mêmes, même la fin semi-ouverte n'avait pas forcément besoin d'une suite. Je lirai tout de même ce troisième tome, afin d'avoir un avis tranché sur la question.) 
-----
Ça passe certes presque au second plan, mais l'intrigue se déroule dans un royaume imaginaire d'inspiration médiévale. Je rattache donc cette chronique au Challenge Dark Fantasy, de Zina!