dimanche 30 novembre 2014

Retrouvailles avec un fameux guerrier mutant aux cheveux blancs

La Saga du Sorceleur, tome 4: La Tour de l'Hirondelle, de Andrzej Sapkowski
Note: la numérotation concerne l'édition Bragelonne, celle que j'ai lue, qui est différente de celle en cours chez Milady, laquelle fait de ce tome le sixième, et non le quatrième (les deux volumes de nouvelles étant considérés comme des tomes à part entière)



Le sorceleur Geralt de Riv poursuit son périple vers le Nord pour retrouver la jeune Ciri avant qu'elle épouse l'empereur de Nilfgaard. Ses fidèles compagnons, Jaskier le barde, Milva l'archère, Régis le vampire et Cahir le Nilfgaardien font route avec lui. Refusant les lois de la Loge des magiciens, Yennefer décide quant à elle de faire cavalier seul pour sauver celle qu'elle considère comme sa fille. Tandis que les traîtres se dévoilent, les doutes sur la véritable destinée de Ciri hantent tous les esprits. Surtout qu'elle est aux mains d'un monstrueux chasseur de primes...
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"Ce ne sont pas les hommes mauvais et malhonnêtes qui plongent, oh non! Ceux-là, ils sont très déterminés et n'hésitent pas à faire plonger dans le gouffre les gens respectueux de la morale, honnêtes et nobles, mais maladroits, hésitants, et plein de scrupules."



Infos complémentaires:
Titre original:  Wieża Jaskółki (1997)
Série: La Saga du Sorceleur (Wiedźmin)
Traduction par Caroline Raszka-Dewez
Edition: Bragelonne (2010)
430 pages


La bouille de Watson l'auteur
C'est toujours avec un plaisir à peine dissimulé que je me replonge dans les aventures du Sorceleur Geralt - que ce soit en jeu vidéo ou en livre, d'ailleurs. Cela faisait pratiquement huit mois que j'avais terminé Le Baptême du Feu, il était donc temps que j'attaque la suite. J'avoue que j'ai eu un peu de mal à me remettre dans le bain, au début: il faut dire que le laps de temps ayant été plutôt important entre les deux lectures, j'ai dû me remémorer beaucoup de points que j'avais oublié, et La Tour de l'Hirondelle n'aide pas beaucoup, puisqu'on rentre directement dans le récit. Et puis finalement, le charme a opéré de nouveau, et mon addiction à la saga s'est réveillée d'un coup.  

Cela va sans dire, je suis toujours autant conquis par la plume de Sapkowski, qui parvient à me captiver même lorsqu'il ne se passe pas grand-chose. Sapkowski brouille les pistes, multiplie les points de vue et les intrigues, il va même jusqu'à ralentir l'action pour étoffer le background, bref, il s'amuse avec son lecteur, et il le fait ma foi fort bien! Il livre un récit sans temps mort - et non, je ne considère pas les moments de calme comme des temps morts - mené tambour battant du début à la fin. Il y a de l'action, mais pas trop, du suspense, des intrigues politiques, des anecdotes en tous genres, des relations qui s'étoffent, un méchant pas sympa, bref, de tout et en bien dosé.

Leo Bonhart, par JustAnoR
Plus que jamais cette fois, le récit est consacré à Ciri et à son devenir. On la retrouve ainsi opposée à un chasseur de primes plutôt sadique nommé Bonhart, qui ferait passer Boba Fett pour un enfant de choeur. Ce dernier fait figure d'adversaire redoutable face à la jeune fille, et j'ai adoré le détester. Triss et Yennefer ont également droit à une apparition le temps d'un long chapitre, dont le dénouement laisse présager de la suite.

Du côté de Geralt, le groupe poursuit sa quête. On ne s'attarde pas beaucoup sur eux - contrairement à Ciri - ce qui peut parfois donner l'impression que leur aventure stagne un peu. Sapkowski se concentre en fait surtout sur la vie de groupe, qui suit tranquillement son cours. Une nouvelle venue fait d'ailleurs son entrée, une jeune fille péchue nommée Angoulême, qui n'a pas sa langue dans sa poche mais qui m'a beaucoup plu. J'adore toujours autant Régis le Vampire et ses réparties, et si j'ai parfois un peu de mal avec Jaskier, le pauvre barde me plaît de plus en plus.


Par ailleurs, le personnage de Cahir, le jeune Nilfgaardien, que je n'appréciais jusqu'ici pas des masses, a lui aussi finalement trouvé grâce à mes yeux dans cet opus. Il est même parvenu à me toucher, par moments, et j'ai beaucoup aimé le duo qu'il forme pour un court laps de temps avec Geralt. Une espèce d'étrange relation quasi-silencieuse se tisse entre ces deux-là, un mélange indescriptible d'amitié, de répulsion, de crainte et de respect mutuel, qui a quelque chose de fascinant et d'émouvant à la fois. Deux hommes de la même trempe, des guerriers, à la fois semblables et très différents, peu loquaces, mais à l'objectif similaire, qui peinent à se comprendre mais cherchent malgré tout à se rapprocher l'un de l'autre. C'est finalement assez dommage que l'on ne s'attarde pas davantage sur leur duo, qui aurait gagné à avoir plus de temps d'antenne.

Un jouli n'artwork réunissant Ciri et Cahir, intitulé "An unfulfilled dream", signé ellaine

Mais le vrai couple-phare de ce tome, c'est celui formé par le vieil ermite Vysogota et Ciri. Vysogota m'a plu, normal, c'est un collègue. Quant à Ciri, plus vraiment adolescente, mais pas tout à fait adulte, elle a à lui opposer toute la fougue de sa jeunesse. La jeune princesse rebelle et pleine d'énergie, le vieil homme désabusé qui a fui son ancienne vie; deux personnages en totale opposition que le destin a amenés à se
Les adieux de Vysogota et Ciri (steamey)
rencontrer. C'est un réel plaisir que de les voir se disputer pour un rien, s'envoyer des piques, ou tout simplement au coin du feu, en train de se raconter des histoires, comme un grand-père et sa petite-fille. Ça peut certes paraître un peu "cliché" comme duo, mais moi j'affectionne beaucoup ce genre de relation dans les récits, qui ont le don de m'attendrir comme un caramel un peu trop mou. Par ailleurs, Ciri arrive assez tôt dans le marais où vit Vysogota, et ne le quitte que très tard: donc même si l'histoire est entre-coupée par le récit que fait la jeune fille de tous les évènements qui l'y ont amenée et l'avancée du groupe de Geralt, leur relation a le temps de s'étoffer amplement.

Dans un registre différent, l'autre élément qui m'a marqué dans ce tome, c'est l'aspect politique qui est encore plus présent ici - on sent venir les complots et grosses confrontations finales! - et je dois dire que c'est loin de m'avoir déplu, même si l'absence de carte officielle rend le tout parfois difficile à suivre, puisqu'il faut constamment garder à l'esprit la disposition de tous les pays par rapport aux autres et les relations entre tel ou tel personnage important dont parfois seul le nom est cité. J'attends en tout cas de voir comment les choses vont se dérouler à tous les niveaux - la façon dont les Royaumes du Nord vont contrer Nilfgaard, le devenir de Ciri et Geralt, la fin de l'Arc Yennefer/Triss... C'est donc avec plaisir et sans doute très bientôt que je m'attèlerai à la suite, mais aussi la fin, de la Saga. La fin d'une aventure littéraire, que j'aurais suivie pendant près de deux ans et demi, et dont le terrain est parfaitement préparé par cet opus.

La bande de Geralt (Veganya) Allez, sorceleur, arrête de
faire la tronche et viens manger un morceau!

Bilan des courses


J'ai tout simplement adoré ce tome! Passé le petit temps d'adaptation nécessaire, dû au trop important laps de temps avec la lecture du tome précédent, j'ai retrouvé avec plaisir la plume de Sapkowski, son univers et ses personnages, pour une nouvelle aventure haute en couleur, avec action, intrigues et tout le tintouin. Sans doute la dilution de l'intrigue et le ralentissement de la quête de Geralt au profit de Ciri et de l'étoffement du background et des relations entre les personnages ne plaira-t-il pas à tout le monde, mais moi, une fois de plus, j'y ai trouvé mon compte. Monsieur Sapkowski, merci je suis conquis!


(Je ne résiste pas à l'envie de vous mettre un autre artwork que j'ai trouvé) 
Ciri speaks with Vysogota, par Miriamele Tremere
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Si la série peut évidemment être classée en "Dark fantasy", on note également de nombreuses références nordiques; mais surtout, un long passage - environ un bon dixième du tome! - avec Triss et Yennefer se déroule sur les îles Skellige, dont la culture est clairement basée sur celle des norrois (ou les vikings, si vous préférez). Cela me permet donc de faire concourir cette chronique non seulement pour le Challenge Dark Fantasy de Zina, mais également pour le Challenge Vikings du Vampire aigri!




Cuisine, dépendance et sorcières

Les recettes de Nounou Ogg, de Terry Pratchett


Nounou Ogg, l'une des plus célèbres sorcières du Disque-Monde, publie une sélection de sa vaste collection de recettes parmi les plus savoureuses. Mais au-delà des délices de la " Branlante aux fraises " ou du " Poudingue de l'araignée de la maman de Chicard ", Madame Ogg partage ses pensées sur la vie, la mort, les convenances (" Si vous allez aux obsèques des autres, alors ils feront en sorte de venir aux vôtres "), la séduction, les enfants et le mariage, et ce dans un style raffiné qui ne pourrait offenser même la plus délicate des âmes. Ou pas trop. Avis au lecteur : la plupart de ces recettes ont été goûtées par des gens qui sont encore vivants...
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"Si vous produisez de la bière, elle se conservera bien si quelques chopes ont été portées à la sorcière locale. Elle sera trop polie pour refuser."
Infos complémentaires:
Titre original: Nanny Ogg's Cookbook (1999)
Illustrations de Paul Kidby
Traduction par Jacques Collin
Edition: Pocket - Fantasy (2014)
200 pages



Gytha "Nounou" Ogg a ressorti sa vieille plume du placard! Après les interdits de vente Les plaisirs de la chère et Les histoires de la Mère l'Ogg pour les Petites gens (anciennement publiés chez JHC Biqueberger, maison d'édition, Ankh-Morpok), voilà qu'elle nous propose un livre de cuisine des plus... particuliers! Toutes les personnalités du Disque-Monde - ou au moins d'Ankh-Morpok - ou au moins une partie - ont cette fois-ci accepté de collaborer (il faut dire que la vieille sorcière sait se montrer très persuasive) pour livrer leurs recettes les plus fameuses, de la banane du bibliothécaire au sandwich au fromage de Léonard de Quirm, sans oublier le curry Klatchien de la famille Colôn (garanti sans curry!) et la très célèbre et indispensable "branlante aux fraises".*

La couverture anglaise, qui fait
davantage "vieux livre de cuisine"
Le pire dans tout ça, c'est que ce sont de vraies recettes! Enfin, évidemment qu'elles sont vraies, par définition, une recette est une recette. (Merci Captain Obvious!) Mais la plupart sont des recettes de trucs bons. Ou au moins mangeables.** Essayez tout de même d'éviter de tester le Vindaloo de rat, et la tourte aux fruits de Bougre-de-Sagouin Jeanson, qui nécessite plusieurs tonnes de farine et un parking entier si votre maison n'est pas suffisamment grande pour y faire entrer le plat. Personnellement, je préfère une clairière, mais ça c'est parce que j'habite en forêt.
C'est toujours un réel plaisir en tout cas que de retrouver l'humour Pratchettien, surtout lorsque le "narrateur" est cette fois l'un de ses propres personnages - à savoir la fameuse sorcière Gytha Ogg, du pays de Lancre! Bien entendu, Nounou Ogg oblige, les sous-entendus en tous genres sont légion - et ce malgré le gros travail de "ratiboisage" effectué par Messieurs Minerve, prote, et Biqueberger, éditeur, assisté de sa femme dont les gloussements sont un très bon indicateur. Ne faisons pas non plus l'impasse sur l'indispensable guide de savoir-vivre fourni à la fin, qui livre des commentaires de l'auteure sur sa vision très particulière des bonnes manières, de la tenue en société, de la vie, du mariage, de la mort, bref, ce genre de choses dont on se passerait volontiers si l'on n'était pas soi-même vivant.

Quelqu'un s'est visiblement essayé à une recette naine
à base de rats en sauce...
Sacré personnage en tout cas que Nounou Ogg, entre sa bonne humeur permanente, ses anecdotes inutilement indispensables sur l'ancien temps, les coutumes, la vie et les jeunes de nos jours, son application constante du fameux proverbe "faites l'amour, pas la guere, sauf s'il y a un buffet garni après", et sa conception très... Lancrienne (on va dire ça comme ça) de la bonne conduite! Pour ma part, si je l'apprécie beaucoup, je trouve tout de même que les personnages de Terry Pratchett fonctionnent beaucoup mieux lorsqu'ils sont en groupe - la bande des Mages de l'Université Invisible, et le trio des sorcières de Lancre en sont selon moi les meilleurs exemples - puisque tout repose sur leurs interactions. A ce titre, les quelques notes de communication entre Biqueberger et Minerve parsemant le bouquin - et concernant, entre autres, les ennuis financiers de l'éditeur ou les passages auxquels sa femme a gloussé - font figure de compensation réjouissante à ce "manque d'interactions".
Toutefois, le fan de Pratchett ne pourra que se réjouir et se retrouvera vite en terrain connu: l'ouvrage est en effet bourré de références aux Annales, chaque personnage a droit à une "apparition indirecte" par le biais des recettes, du manuel de savoir-vivre indispensable ou des illustrations de Paul Kidby, et ça, ça fait plaisir au fan! Enfin, évidemment, c'est avant tout un ouvrage qui s'adresse au connaisseur/amateur, les autres y verront juste un livre de cuisine écrit bizarrement avec des images qui semblent n'avoir rien à faire là... Ils pourront toujours s'essayer aux recettes ou apprécier l'humour, mais forcément, le mieux est d'être familier avec l'Univers du Disque-Monde pour pouvoir le savourer pleinement.

(Oh, et puis en plus, on a droit à touuut plein d'illustrations de Paul Kidby à l'intérieur, et ça, c'est super! C'est juste dommage que cette première édition française n'ait pas choisi une charte graphique proche de l'édition anglaise, pour lui donner davantage un côté "livre de cuisine")

Bilan des courses


Un recueil de recettes improbables qui ravira le fan de cuisine et de l'oeuvre de Pratchett. L'humour est au rendez-vous, pour un joyeux festival d'absurdité et de nonsense propre à l'auteur, superbement illustré par Paul Kidby. L'expérience se poursuit avec le manuel de savoir-vivre, encore plus drôle que les recettes, à défaut de pouvoir être appliqué (à moins que vous ne craigniez pas d'être placé sur la liste noire de tout le pays pour les quinze générations à venir) Il en ressort un tome "hors-série" indispensable pour tout fan de l'univers du Disque-Monde qui se respecte! Un régal!

Respecte le pouvoir de la barbe Pratchettienne!

*Je vous l'aurais bien montrée, d'ailleurs, mais il paraît qu'il y a des jeunes qui passent ici... Du coup, je vous laisse chercher par vous-même.
**Enfin, je ne les ai pas encore testées - ça ne saurait tarder! - mais je m'y connais un minimum en cuisine, du coup je sais à peu près reconnaître un machin qui fonctionne, d'un autre qu'il vaudrait mieux éviter - sauf si la vieille et richissime tante Octavie-Micheline-Adélaïde est invitée à la réunion de famille, auquel cas le second défi sera de réussir à lui faire modifier son testament avant de passer à table.
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mardi 25 novembre 2014

Du thé, s'il vous plaît. Beaucoup de thé. Oh, et je voudrais lire en paix.

Emma, tomes 4 et 5 (édition intégrale), de Kaoru Mori (manga)
Note: j'ai un don pour trouver des titres parfaitement appropriés au contenue de mes articles.



Infos complémentaires:
Titre original: エマ (Emma)
Série: Emma (5 double-tomes/10 tomes "simples")
Série finie, 2002-2008
Traduction par Yohan Leclerc
Edition: Ki-oon, collection Latitudes (2014)
Nombres de pages: 477 (tome 4) - 447 (tome 5)



Aaawwwwh...
Kaoru Mori est une auteure que j'adore. Chacune de ses pages respire la passion. Son trait fin et détaillé, ses personnages attachants, ses histoires simples mais touchantes, ont su me conquérir, et c'est toujours avec un réel plaisir que je relis ses oeuvres, qui font d'ailleurs sans conteste partie de mes lectures préférées. Avec Emma, elle nous invite à un voyage dans l'Angleterre de la fin du XIXe. Emma, une jeune femme de chambre, et William Jones, fils aîné d'une grande famille bourgeoise, s'éprennent l'un de l'autre malgré leurs rangs sociaux diamétralement opposés. Mais évidemment, en pleine époque victorienne, une telle relation n'est pas du goût de tout le monde... On suit donc les pérégrinations des deux personnages, d'abord dans l'évolution de leurs rapports, puis face aux contraintes de la société. Le tout dans une ambiance typiquement victorienne, des grandes rues de Londres, aux couloirs sans fin des manoirs de campagne, sans oublier les bals, les voyages en train à vapeur, les petits villages du bord de mer et bien entendu, des visites obligées au Crystal Palace. En résumé, un joli voyage dans le temps, ponctué par de nombreuses rencontres avec des personnages attachants et hauts en couleurs.

Un joli fanart plein de couleurs signé Waprom
Si j'avais bien aimé, mais sans plus, les deux premiers double-tomes de cette nouvelle édition, je suis en revanche complètement tombé sous le charme d'Emma à partir du troisième. Avec ces deux derniers tomes, c'est toute un périple qui s'achève. C'est donc avec regret que j'ai quitté mes personnages le dernier chapitre achevé, avec toutefois le sentiment d'avoir pris part à une fantastique aventure. Ces deux tomes sont toutefois un peu particuliers, dans le sens où ils sont essentiellement consacrés (60 à 75 pourcents je dirais) à des chapitres "bonus" centrées sur les personnages secondaires, et donc sans rapport direct avec la trame principale. Et je dois dire que j'ai tout simplement a-do-ré! A la fois drôles et touchantes, ces petites histoires  sans prétention permettent d'enrichir ces personnages attachants, qui sont l'une des deux grandes forces de la série - l'autre étant justement ces histoires toutes simples, sans chichi, qu'elle arrive à rendre passionnantes. Gros coups de coeur, sans hésiter, pour les différentes histoires consacrées aux domestiques de la famille Mölders ainsi qu'au double-chapitre sur les chanteurs d'opéra!

Il y a même une histoire consacrée à l'écureil de compagnie du
jeune fils Mölders - si ça c'est pas du bonus qui déchire!
Finalement, avant qu'on ne les quitte, tout ce petit monde se réunit une dernière fois pour un beau final en grande pompe autour du buffet de mariage de William et d'Emma (parce que c'est la nourriture et l'alcool qui permettent de rassembler les gens, quoiqu'on en dise), un long passage magnifique où tout le monde fait une apparition - sauf ce vieux gâcheur de Campbell, qui a coupé tout lien avec les Jones... - et qui conclut parfaitement la série en prenant bien son temps - et moi, vous le savez, j'aime les trucs qui prennent leur temps. Le seul regret que j'ai avec cette conclusion, finalement, c'est que j'aurais aimé en (sa)voir plus sur la période précédant le mariage d'Emma et Jones, la vie chez Mme Trollhope, "l'apprentissage" d'Emma... parce qu'il s'écoule bien plusieurs années (au moins 3 ou 4) entre les noces et son apparition précédente... Enfin bon, de toute façon, j'aurais aimé avoir plus de tout, c'est ça l'ennui avec les gâteaux bien trop excellents: on a envie d'en reprendre, mais il n'y en a déjà plus, soit parce qu'il n'y en avait déjà pas beaucoup à la base, soit parce que votre frère s'est incrusté pour le déjeuner et qu'il s'est empiffré sans vous laisser une seule miette.

En tout cas, visuellement, c'est toujours aussi réussi. L'édition "intégrale" permet entre autres de profiter en grand format des superbes planches de Kaoru Mori, soignées, fines et bourrées de détail. Les décors fidèlement retranscrits semblent prendre vie aux côtés des personnages, c'est un vrai régal pour les yeux! Dommage pour les couvertures par contre, qui pâtissent vraiment de la charte graphique de la collection... Et puis pas de pages couleurs, non plus. Tant pis!

C'est vraiment dommage qu'on n'ait pas d'illustrations couleur, parce que vu  le niveau
de skill de Kaoru Mori, ça déchirerait la rétine à coup de bulldozer.

Bilan des courses


Deux très beaux double-tomes pour conclure brillamment l'autre série-phare de Kaoru Mori, qui ne cessent de me rappeler pourquoi j'adore cette auteure. C'est beau, c'est drôle, c'est émouvant mais pas mièvre pour un sou, bref, c'est génial. Une série dont je me rappellerai longtemps, et que je relirai avec plaisir.

Honte sur moi, c'est seulement à la lecture des bonus du tome 4 que j'ai appris qu'il existait un anime adapté d'Emma - qui est moins joli que le mangasse mais a une BO sympa. A vrai dire, je ne l'avais même pas soupçonné, étant donné que l'autre grosse série de Kaoru Mori (Brides Stories) n'a pas encore fait l'objet d'adaptations... (et c'est là qu'on m'apprend dans les commentaires qu'il existe une comédie musicale live et six eroge sur Bride Stories...)

Conclusion du machin

Lisez Emma. Emma, c'est Bien.


samedi 15 novembre 2014

Forgés pour la guerre, mais pas pour la vaisselle, voici les peaux vertes!

Orcs, tome 1: La Compagnie de la Foudre, de Stan Nicholls


Regardez-moi! Regardez l'orc! Je lis dans vos yeux de la peur et de la haine. Vous me considérez comme un monstre, un prédateur des ténèbres, un démon dont vous parlez pour effrayer vos enfants. Une créature à traquer et à abattre comme une bête. Mais le moment est venu de prêter l'oreille à la bête. Et de savoir qu'elle vit aussi en vous. Vous me craignez, mais je mérite votre respect. Maras-Dantia était notre royaume, celui des nains, des elfes et des autres races aînées, longtemps avant que votre espèce ne vienne le saccager. Longtemps avant que vous ne dévoriez notre magie et ne violiez l'âme de notre monde. Ecoutez mon histoire. Regardez couler mon sang et remerciez les dieux. Remerciez-les que ce soit moi et pas vous qui aie manié l'épée. Remerciez les orcs nés pour se battre et destinés à ramener la paix!
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"Stryke ne distinguait plus le sol sous les cadavres. Les hurlements des blessés et le fracas de l'acier l'assourdissait. En dépit du froid, la sueur lui picotait les yeux. Les muscles en feu, tout son corps lui faisait mal et son pourpoint de cuir était constellé de sang, de boue et de morceaux de cervelle."

Infos complémentaires:
Titre original: Bodyguard of Lightning (1999)
Série: Orcs, tome I (Orcs, First Blood)
Traduction par Isabelle Troin
Edition: Bragelonne (2001)
300 pages


Orcs est une série qui me faisait de l'oeil depuis un moment, principalement en raison du point de vue atypique qu'elle offre: celui des orcs, justement. Et il y a quelques semaines, à l'occasion d'un passage à la médiathèque, j'ai enfin décidé de franchir le pas.
Autant le dire tout de suite: ce premier tome a été une bien belle déception.

Le vif du sujet


Le récit est centré autour d'une compagnie de mercenaires orcs, les Renards, au service de la reine Jennesta. Maras-Dantia, autrefois le continent des races aînées, est depuis quelques siècles investi par les humains, déchirés entre deux factions par conviction religieuse: les Unis et les Multis. Soutenant les Multis, plus favorables aux races aînées, Jennesta a envoyé les Renards à la recherche d'un mystérieux artefact en possession des Unis. Mais bientôt, par la suite d'une série d'évènements imprévus, une course-poursuite contre le temps s'engagera sur tout le continent. Un jeu du chat et de la souris, entre les Renards et leurs poursuivants de tous bords, qui pourrait bien impliquer toutes les races aînées...

Excuse-moi, mon coco, mais j'essaye de m'adresser à des gens intelligents, là.
Tu ne pourrais pas aller voir ailleurs si j'y suis?

J'avais déjà un peu côtoyé des orques "mauvais" via les oeuvres de Tolkien, ainsi que dans l'univers de Naheulbeuk, qui ne se gêne pas pour tourner en ridicule les univers de la fantasy et du jeu de rôle. Là, ils font davantage office de chair à canon du côté des vilains qu'autre chose, et excepté une communauté de hippies traînant aux alentours de Suak, on ne s'y attarde pas plus que ça.
Mais mes rencontres avec les orques ne s'arrêtent pas là, puisque j'ai également vécu quelques aventures à leurs côtés dans la série des Elder Scrolls ainsi que dans la franchise Warcraft, où ils ne sont plus qu'un peuple parmi tant d'autres, avec son histoire, ses coutumes, son caractère, sans alignement particulier. Et, j'ai beau avoir exploré pas mal de choses niveau fantasy, je crois bien que c'est tout. En effet, il faut dire que malgré une idée reçue, ils ne sont pas si courants que ça en fantasy. Avoir une nouvelle vision sur ce peuple, que je trouve plutôt intéressant malgré tout, me tentait donc énormément.

Mais, et c'est bien là que se situe l'un des principaux problèmes de ce premier tome, on a beau suivre une compagnie de mercenaires Orcs, il pourrait tout aussi bien s'agir d'un autre peuple, que cela ne ferait pas grande différence... On a en effet si peu d'informations sur eux, exceptés quelques détails physiques que tout le monde connaît - peau verte, oreille pointus, cheveux noirs, faible pilosité, trapus - qu'on peine à les imaginer si différents de nous. Via quelques rares paroles, et surtout les rêves de Stryke, on entrevoit bien une société tribale, à la culture chamanique et guerrière, mais c'est finalement chose si peu abordée que je me demande si au fond, je ne comble pas les vides de ce côté-là en apparentant par erreur ces orcs à ceux de Warcraft - auxquels ils m'ont irrémédiablement fait penser. Par ailleurs, les orcs de la compagnie ne cessent de répéter à tout bout de champ "nous ne pensons ni n'agissons comme ces humains!" D'accord, on a compris, votre manière de penser et d'agir est peut-être différente de la nôtre, mais dans ce cas, j'aimerais bien savoir en quoi elle l'est? Non, sincèrement, je suis vraiment déçu de ce côté-là, duquel j'en attendais pourtant beaucoup...

Apparemment, il existe une adaptation en comic, signée Stan Nicholls et Joe Flood. J'aimerais bien y jeter un oeil, à l'occasion...
(mais pas littéralement, ce serait quand même douloureux)

Cela mis de côté, le récit en lui-même est loin de m'avoir passionné. Je ne dirais pas que je me suis ennuyé pendant ma lecture, ce n'est pas ça; disons plutôt qu'elle m'a en quelque sorte, laissé... indifférent la plupart du temps. Jamais je ne suis vraiment entré dans l'histoire, ne me suis attaché aux personnages, me suis amusé de leurs plaisanteries. J'ai survolé le roman comme une espèce de vieux planeur au-dessus de l'océan des pages... Par ailleurs, la trame est beaucoup trop classique pour être mémorable, le seul point vraiment original étant le choix des orcs pour héros, mais vous savez ce que j'en pense. Toute la tension que j'aurais pu ressentir à ma lecture s'est également trouvée évaporée dès l'instant où je me suis aperçu que quelque soit la situation dans laquelle les personnages se soient trouvés, il arrivaient toujours à s'en sortir sans difficulté, certes parfois de manière ingénieuse, mais sans la moindre égratinure. Les seules pertes du groupe, au nombre incroyable de deux, sont finalement des personnages dont on ignorait tout jusqu'à ce qu'ils se trouvent au seuil de la mort et que l'auteur daigne enfin nous les présenter. Difficile de s'attacher à eux dans ces conditions, et ainsi d'être véritablement attristé à l'annonce de leur décès...

Il y a tout de même un personnage pour lequel j'ai vraiment réussi à ressentir quelque chose, mais pas dans le bon sens du terme: la reine Jennesta. Habituellement, j'aime beaucoup les personnages de "méchants" (même si elle n'est pas ici clairement définie comme telle) mais ici, je l'ai plutôt trouvée insupportable. Des fois, il y a quand même des personnages qu'on aime bien détester, mais même pas. C'est juste une grosse con***se détestable, méprisante et méprisable. Je suis un peu dur avec elle, mais elle le rend bien, de toute façon.

Quelques couvertures étrangères. Y'a pas à dire, je préfère les nôtres...
(par contre, faudra m'expliquer pourquoi ces débiles d'allemands utilisent les illustrations des romans de Gemmell, ça n'a rien à voir, bande de crétins!)

Bon, je me trouve assez négatif. Si je garde un souvenir très mitigé de ce premier tome, il en reste tout de même quelques bonnes choses. Au niveau des personnages, j'ai tout de même réussi à apprécier Alfray, le vétéran du groupe, également médecin. Jup le nain, seul non-orc de la bande, a su aussi se montrer malin lors de la partie qui lui a été consacrée, et j'en attends beaucoup pour la suite de Coilla, une des commandantes de l'unité. Quant à Stryke, il me laisse encore assez indifférent, mais il est sur la bonne voie pour me plaire.
Une chose que l'on ne peut pas non plus reprocher au récit, c'est le manque d'action. Et en effet, La Compagnie de la Foudre est loin d'en manquer! Personnellement, à quelques exceptions près, je préfère du visuel pour ce genre de choses, mais il faut bien avouer que le style de Stan Nicholls, même si je suis loin d'en être fan, se prête tout à fait à ce type d'évènements! Ça castagne dans tous les sens, à grands renforts de membres arrachés, de têtes écrasées et de giclées de sang, avec bouillie de cervelle en dessert. Bon appétit!

Enfin, il se trouve tout de même quelques passages tendus qui ont véritablement éveillé mon intérêt - avant qu'il n'aille se rendormir en attendant une autre lecture... Le passage où la compagnie tente de prendre d'assaut le campement kobold durant la nuit, par exemple, un bon passage tendu à la limite de l'infiltration, comme j'aurais aimé en voir davantage dans ce tome... Un peu plus loin, il y a bien ce chapitre où Jup, profitant de sa nature de nain (et c'est là qu'on se rend compte que c'est la raison pour laquelle l'auteur à décidé d'en foutre un dans cette compagnie constituée uniquement d'orcs...) infiltre une ville humaine pour y dérober un artefact, mais là ou au début, je le trouvais intéressant, il finit par souffrir du même syndrôme que tout le reste du roman; c'est-à-dire que les personnages traversent tous les évènements sans égratinure ni difficulté... Une fois qu'on s'en rend compte, c'est terminé! Plus possible de s'inquiéter pour leur sort! Finalement, il aura fallu attendre la fin - et quand je dis la fin, c'est vraiment la fin, soit les 5 dernières pages - pour que je sois à nouveau véritablement intéressé, alors qu'Alfray et Stryke sont vraiment en fâcheuse posture, tandis que le reste de la compagnie se retrouve dans la panade suite à un autre évènement - que je ne spoilerai pas (le spoil, c'est le Mal) - malheureux. Du coup, j'ai un peu d'espoir pour la suite, en espérant y retrouver, lorsque je voudrais bien m'y mettre, ce qui à mes yeux manque au premier tome.
(C'est dommage par contre que la fin fasse vraiment "cliffhanger à deux rubis de fin d'épisode", on était déjà à la limite de la fantasy série B, pas la peine d'en rajouter...)


Qui a dit que les Orcs étaient forcément moches à vomir?


Bilan des courses


Un premier tome qui ne m'a pas vraiment convaincu. Bien sûr, il se lit rapidement et facilement, il y a de l'action à foison qui ravira les amateurs, quelques passages et personnages intéressants, mais les ficelles du scénario sont trop classiques, les personnages et l'univers sous-exloités, et pas de réelle tension. Par ailleurs, même s'il ne m'a pas dérangé, je n'ai pas trop apprécié le style de Stan Nicholls. Et puis, par pitié, qu'il développe ses orcs, qui font pourtant les gros titres de la série!
Au final, j'ai eu l'impression d'avoir entre les mains un genre de "compagnie noire" - difficile de ne pas remarquer les points communs avec la série de Glen Cook, même si le fond est un peu différent - mais en moins bien, si vous voulez mon avis. Mais ma déception est certainement motivée par le fait que j'en attendais énormément, et après tout, la fin ayant réussi à susciter mon intérêt, je lui accorde le bénéfice du doute, en espérant qu'il exploite mieux son univers et ses personnages la prochaine fois, et qu'il réussisse à me surprendre!

Note: Il paraît que le roman est en quelque sorte une métaphore de la colonisation des Amériques et du génocide des Amérindiens. C'est vrai. Je n'en ai pas parlé dans ma chronique - mais je me rattrape ici - parce que même si l'on peut facilement faire le parallèle, cet aspect ne m'a pas tant intéressé, et n'entre pas en ligne de compte dans mon appréciation générale du livre. J'aime bien de temps en temps faire de petites analyses, c'est vrai, mais pas cette fois. (D'façon, sur ce point-là, avec l'un des prochains articles que je vous prépare - tu le sens le gros teasing de la mort pour un machin qui n'arrivera pas avant des mois? -, je vais me faire plaisir. Vous devriez pas être déçus.)


Si vous aimez les Orcs avec du background développé,
le tout dans une bonne histoire pas manichéenne pour un sou,
préférez "Le chef de la rébellion", qui présente les débuts de
 l'orc Thrall en tant que chef de guerre.
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Et une seconde chronique pour le Dark Fantasy Challenge de Zina - qui avait bien besoin d'être alimenté!