dimanche 21 juin 2015

[Japanimation] Ayakashi - Japanese Horror Classic


Série d'animation réalisée par Tetsuo Imazawa, Hidehiko Kadota et Kenji Nakamura
Titre original: Ayakashi
( 怪 〜ayakashi〜 )
Origine: Japon
Studio Toei Animation
Année de production: 2006
11 épisodes de 25 minutes


Allez savoir pourquoi, si certaines oeuvres ont un titre bien défini en version originale, personne n'arrive à se décider sitôt qu'il s'agit de les nommer en dehors de leurs frontières. Un peu l'image du deuxième film Saint Seiya ( l'exemple le plus probant que j'ai pu trouver) qu'en français on appelle, au choix, L'ardent combat des Dieux, La Bataille des Dieux, La Guerre des Dieux, ou parfois plus simplement Asgard le film, et j'en passe et des meilleures. Notez tout de même qu'à chaque fois (excepté pour la dernière proposition) la même notion est conservée, celle d'une marave divine, car il s'agit tout simplement de divergences de traductions. Ce qui n'est pas le cas de l'oeuvre qui nous intéresse aujourd'hui, où là, pour le coup, chacune des propositions met en avant une idée différente. 

L'art de la digression


Le titre japonais était pourtant à la base simplement "Ayakashi", mais par volonté sans doute pour les petits occidentaux incultes que nous sommes de le distinguer d'autres oeuvres du même nom (ou parce qu'ils considèrent qu'on est trop c*ns pour se contenter d'un mot japonais auquel on ne pige rien) le titre de la série a été en versions anglaise et française rallongé étrangement. Ainsi, nous avons l'embarras du choix: Ayakashi - Japanese Classic Horror, Ayakashi - Samurai Horror Tales, Ayakashi: Le théâtre de l'horreur, Ayakashi - Le Petit théâtre de l'Horreur (oui, même pour une différence aussi minime, pas moyen de se mettre d'accord)... c'est la foire au marché du titre! Et si à première vue, tous peuvent paraître semblables, ils véhiculent en fait chacun une idée différente. "Japanese Classic Horror" met l'accent sur le fait qu'il s'agisse de classiques de l'horreur japonaise; "Samurai Horror Tales" insiste de son côté sur le côté "féérique" et "légendaire" de ces histoires, en utilisant la figure quasi-mythique du Samouraï pour le rattacher à ce Japon de légende (un peu comme on le ferait avec nos chevaliers, par exemple); quant au "théâtre de l'horreur", il rappelle le kabuki, une forme de théâtre traditionnel nippon, auquel les histoires racontées se rattachent - on peut aussi aller plus loin en dressant des parallèles et tissant des métaphores entre le théâtre, l'horreur et la mise en scène, mais je n'en ferai rien aujourd'hui.
Peut-être m'avance-je un peu trop, mais cette disparité me donne un peu l'impression que les traducteurs/adaptateurs ne savaient pas trop comment prendre la série, sous quel angle elle devait être visionnée, ce que je n'ai aucun mal à comprendre - peut-être que, si vous n'avez pas vu la série, mes lignes vous aideront à saisir pourquoi. Pourtant, on retrouve des idées communes dans ces titres: l'horreur est à chaque fois présente, ainsi que le fait d'avoir toujours gardé le titre original - ayakashi - au début. Ayakashi, une espèce de mot bizarre utilisé pour définir un yokai comptant certainement quelques anguilles parmi ses ancêtres, mais aussi plus généralement un monstre, un esprit (chose à confirmer par un(e) japonophone de passage, ce serait cool). Et je trouve ça malin non seulement d'avoir gardé ce mot, mais en plus de l'avoir gardé tel quel. Non seulement, parce que, par son sens, il indique l'esprit fantasmagorique de la série, mais aussi parce qu'étant une notion indissociable du folklore japonais, il indique tout de suite dans quelle ambiance il va nous plonger.


Le vif du sujet


Amis amateurs de gore à la recherche de sensations fortes, laissez-moi vous dire que vous vous êtes visiblement gourés d'établissement. Là où l'horreur, telle qu'on l'entend aujourd'hui, exigerait de faire ressentir de la peur et de l'angoisse, à grand renfort de claustrophobie, de sang et de petites filles de gros monstres baveux, celle d'Ayakashi peut paraître un peu vieux jeu, ancrée dans la tradition du conte et du kabuki. Une horreur plus psychologique, portée sur la cruauté des sentiments humains, leurs désirs, leurs peurs et leurs vices incarnés en quelque sorte par les yokai. Il y avait quelque chose en fait qui m'a rappelé la tragédie shakespirienne - vous savez, celle où les malédictions pleuvent par paquet, où un membre du casting sur deux est fou, et où tout finit dans un bain de sang qui n'épargne généralement que le glandu qui arrive après la bataille pour récupérer la couronne et accessoirement constater que le tapis est foutu*. Le tout ancré jusqu'à la vase dans le folklore nippon. 
Ayakashi propose en effet trois histoires différentes, adaptations d'oeuvres pour les deux premières, ou histoire originale pour la troisième, mais toutes tournant autour de légendes et fantômes japonais.

[* Oui, c'est comme ça que je définis une tragédie shakespirienne-type. Il existe évidemment des exceptions, comme Roméo et Juliette où il n'y a pas de couronne à récupérer, ou Richard III, dans lequel ce n'est pas le tapis du salon, mais la pelouse qu'il faudra songer à remplacer.]


Arc I : Yotsuya Kaidan - réal. par Testuo Imazawa


Adaptation de la pièce de kabuki écrite par Tsuruya Nanboku en 1825, Yotsuya Kaidan nous conte la sombre histoire d'Oiwa, une jeune femme trahie par son époux Iemon, qui l'empoisonne et la pousse à la mort pour les beaux yeux d'une autre femme. Trompée et humiliée, Oiwa revient par la suite d'entre les morts pour assouvir sa vengeance. Trahisons, meurtres dans tous les coins, folie, cruauté, malédictions en tous genres...

Quand je parlais de "tragédie shakespearienne", c'est principalement à cette histoire que je pensais. C'est peut-être d'ailleurs inconsciemment cet aspect qui fait qu'elle m'a autant marqué, ajouté à son côté noir et glaucque. A vrai dire, je vous ai résumé très rapidement ce premier arc, mais niveau cruauté et rebondissements macabres, il est en réalité bien plus fourni que ce qu'il pourrait laisser supposer au premier abord. Il a pourtant quelque chose d'assez "à l'ancienne", aussi bien dans sa narration et sa mise en scène, que dans son animation et son chara-design... Pour tout vous dire, au début, je croyais même sincèrement avoir affaire à une série des années 90, c'est dire! Quelle n'a pas été ma surprise en découvrant que l'année de production était non pas 1992, mais 2006... Et pourtant, j'ai trouvé qu'il se dégageait un certain charme de cette animation un peu vieillote... En fait, je trouve même qu'elle sert parfaitement le propos: couplée au design particulier mais à mes yeux réussi des personnages, sa lenteur vient appuyer l'ambiance lourde et dérangeante qui se dégage de l'histoire. Un arc qui m'a donc marqué et que j'ai trouvé particulièrement réussi au niveau de son chara-design, son histoire, sa narration et l'ambiance lourde et glaucque qui s'en dégage, renforcée par une forme pourtant loin d'être au top techniquement.

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Arc II : Tenshu Monogatari - Hidehiko Kadota


Basé sur une nouvelle écrite par Kyoka Izumi en 1917 - qui deviendra par la suite une pièce de kabuki en 1951 - Tenshu Monogatari raconte l'histoire d'amour entre une princesse démone, Tomi, et un jeune fauconnier, Himekawa Zushonosuke (merci l'Internet!). La princesse Tomi est cependant à la tête du terrible château hanté d'Himeji, où elle vit avec ses soeurs démones en se repaissant des humains imprudents qui osent y pénétrer. Mais la rencontre entre Tomi et Zushonosuke va petit à petit faire évoluer cette situation, d'autant que le daimyo local voit d'un très mauvais oeil ce repaire de monstres qui l'importune plus qu'autre chose. Amour interdit, combats désespérés et êtres fabuleux sont au programme dans Tenshu Monogatari.

J'avoue avoir été plutôt surpris en constatant que cet arc avait été globalement préféré au premier, et pas qu'un peu. Pourtant, de mon point de vue, Tenshu Monogatari n'est pas au niveau de Yotsuya Kaidan. Premier point déjà: je ne suis pas très fan de la direction artistique. Certes, le chara-design est moins "daté", mais je lui trouve également beaucoup moins de charme, surtout en ce qui concerne les personnages masculins, assez laids, il faut bien le dire. Et puis, ces couleurs chatoyantes... Autant, dans l'arc suivant, elles conviennent parfaitement, autant ici, je ne les trouve pas forcément adaptées, il y a quelque chose qui sonne faux. Et puis cette animation... Là, pour le coup, malgré quelques scènes d'action plus réussies, elle plombe vraiment l'histoire. Ohlàlà, ces courses à cheval... Je n'en ai pas vu d'aussi raides depuis la Playstation première du nom... Et pour un arc qui en comporte autant, c'est vraiment dommage!

Mais le principal grief que je pourrais faire à l'encontre de Tenshu Monogatari concerne son récit. Non, je ne suis pas vraiment un grand fan des histoires d'amour. Ou plutôt, pour être vraiment exact, j'aime bien les romances, mais quand elles interviennent dans le contexte d'une autre histoire. Mais pourquoi pas, après tout; fondamentalement, je n'ai rien contre, juste que ça ne me passionne pas et qu'il en faut beaucoup pour me convaincre. Autant vous dire que d'emblée, Tenshu Monogatari ne partait pas vraiment gagnant. Et n'a pas fini gagnant non plus, en y réfléchissant.
Parce que, si j'ai apprécié le personnage de la Princesse Tomi, tiraillée entre ses origines, son rang, et sa curiosité envers les humains, je suis en revanche loin d'avoir porté dans mon coeur le jeune fauconnier. Assez rapidement, son caractère et son comportement me sont sortis par les yeux, et je me suis retrouvé du côté de la vieille Uba, à souhaiter qu'il se barre, se suicide, ou accepte de se faire manger par des fourmis en offrande aux kamis. Même leur supposée histoire d'amour sonnait creux, j'ai vraiment eu l'impression que le récit forçait les choses pour le bon déroulement de l'intrigue... mais non... Ce n'est pas comme ça que les sentiments fonctionnent... Et surtout, pas comme ça que vous réussirez à conserver mon intérêt. J'ai presque dû me forcer pour regarder les deux derniers épisodes!

Il y avait pourtant de bonnes idées, une histoire poétique sur le papier, quelques scènes plutôt jolies et réussies, certains passages mélancoliques, et même pour ce qui est du chara-design, les personnages féminins ont quelque chose d'assez gracieux. Et surtout, la bande-son est superbe (m'enfin, elle est commune à tout la série, pas uniquement à cet arc) et plonge tout de suite dans l'atmosphère mystico-fantastique étrange de la série. Mais à côté, tout cela est gâché par une romance assez plate à mon goût, des personnages peu intéressants, et une réalisation qui ne suit pas toujours. L'arc le moins bon des trois à mes yeux.

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Arc III : Bakeneko - Kenji Nakamura


Seule histoire vraiment originale du trio, Bakeneko présente un fantôme japonais très populaire - le... bakeneko. On y suit un étrange apothicaire, également exorciste, sur le lieu d'un mariage où la promise a été mystérieusement assassinée. Il s'avère bientôt qu'il s'agit de l'oeuvre du fameux bakeneko, revenu pour se venger. Chargé de son élimination, l'apothicaire ne peut toutefois le défaire sans connaître les raisons de sa haine. Il lui faut donc lever les mystères qui pèsent sur la Maison, afin de pouvoir vaincre son adversaire. Lourds secrets de famille, action idyllique et ambiance huis clos pour ce dernier arc visuellement atypique.

Sans aucun doute le plus intéressant des trois arcs en terme d'animation et de mise en scène, et peut-être mon préféré, même si Yotsuya Kaidan m'a davantage marqué. C'est une véritable extase visuelle, fourmillant de détails et de couleurs dans un style très marqué qui rappelle les estampes japonaises. On a également pas mal de bonnes trouvailles au niveau de la mise en scène qui viennent appuyer cette ambiance colorée un peu irréelle. J'ai également trouvé l'histoire et la narration très intelligentes, cette façon d'installer peu à peu le malaise dans ce huis clos, qui nous pousse finalement à vouloir en apprendre davantage sur les personnages, à savoir pourquoi on en est arrivé à cette situation. Et au final, là où dans Yotsuya Kaidan, dès le début, la couleur était annoncé, ici le masque de légèreté tombe de plus en plus au fur et à mesure des épisodes, pour révéler encore une fois la cruauté des sentiments humains. Oh, il y aurait tant à dire sur ce dernier arc, sur sa direction artistique, sur son ambiance, sur son héros, cet apothicaire si mystérieux et pourtant tellement charismatique... Toutefois, pour éviter de trop me répéter par la suite, je m'arrêterai ici. Car, peut-être le savez-vous déjà, mais le succès de cette dernière histoire fut tel qu'une autre série d'une douzaine d'épisodes reprenant le même personnage principal et se déroulant dans le même univers, a été produite. Cette série, Mononoke, je compte bien la regarder prochainement, et à ce moment-là, je vous en reparlerai plus en détail!


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Alors, en conclusion, Ayakashi, c'est à voir ou pas?


Hé bien, je dirais que si vous êtes féru de folklore et de légendes japonaises, vous pouvez tenter l'expérience. L'atmosphère est clairement un des points forts de la série, tous arcs inclus - oui, même le second que je n'ai pas aimé. Au niveau de la réalisation et de la direction artistique, c'est kif-kif bourricot, à vous de voir, en revanche la bande sonore est une vraie réussite. Après, gardez à l'esprit que chaque arc est totalement indépendant, donc si l'un ne vous branche pas trop, vous pouvez directement enchaîner avec le suivant sans être perdu - le dernier en revanche est incontournable, ne serait-ce que pour le côté expérimental de sa patte graphique et de sa mise en scène particulières.

Le mot inutile de la fin


Mais au final, Tonton Artalok, je n'ai toujours pas la réponse à ma question: horreur ou pas horreur?
Ne t'inquiète pas, cher petit lecteur perdu, je vais te répondre. C'est peut-être le titre qui t'a attiré vers cette série, avec l'éventuelle promesse de vivre une expérience gore et épeurante qui ferait passer Corpse Party pour un épisode des Bisounours**. Mais l'horreur d'Ayakashi n'est pas celle d'aujourd'hui, mais celle des origines, à base de folklore, de malédictions et de noirceur humaine, d'où provient la J-Horror actuelle. Ce n'est donc peut-être pas exactement ce que tu recherchais, cher petit lecteur, mais c'est aussi bien pour enrichir ta culture, tu ne crois pas? Allez, mes amitiés à toi, et que tes pas te guident vers de bonnes découvertes!

[** Après, tout dépend: si par exemple vous êtes comme moi, et que la perspective d'avoir à ne serait-ce qu'en supporter le générique constitue déjà en soi une expérience horrifique, inutile de dire que cette expression ne fonctionne pas.]


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