dimanche 14 décembre 2014

Pause-lecture: Cristal qui songe, de Theodore Sturgeon

Lorsqu'il est renvoyé de l'école à l'âge de huit ans, cela fait déjà plusieurs années que Horty mange des fourmis en cachette. Fuyant alors la demeure de ses parents adoptifs qui le martyrisent, le gamin trouve refuge au sein d'un cirque ambulant où il devient le partenaire de deux jeunes naines, Zena et Bunny. Mais les personnages les plus extraordinaires du cirque restent son féroce directeur, surnommé le Cannibale, et son étrange collection de cristaux : des pierres aux pouvoirs étranges et néanmoins gigantesques.

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"Tout au cours de son histoire, ça a été le malheur de l'humanité de vouloir à tout prix que ce qu'elle savait déjà fût vrai et que ce qui différait des idées reçues fût faux."

Infos complémentaires:
Titre original: The Dreaming Jewels (1950)
Traduction par Alain Glatigny 
Edition: J'ai lu - SF (2008)
250 pages


C'est assez rare qu'une telle chose arrive, mais je n'ai pas grand-chose à dire sur cette lecture. Pour autant je n'ai pas envie de lui consacrer un simple "avis" express noyé au milieu d'autres, car cette lecture m'aura tout de même accompagné près d'un mois. Un mois, c'est long. Surtout ce mois de novembre durant lequel j'ai été débordé comme pas possible, j'ai accumulé fatigue et maladie, et surtout durant lequel j'ai à peine eu du temps pour les loisirs et la lecture. Bien plus que le récent bilan trimestriel, prenez donc cette chronique comme la véritable conclusion de ce mois de novembre 2014 qui s'est achevé il y a peu, et que je suis bien content d'avoir enfin laissé derrière moi.

Le vif du sujet


Pour en revenir au sujet qui nous intéresse, à savoir Cristal qui songe, c'est un roman qui m'avait tapé dans l'oeil suite à l'article enthousiaste de Boo. A la base, même si certains titres et auteurs me tentent, je ne suis pas très porté sur la SF, davantage sur la Fantasy - ceux qui ont déjà fait le tour du propriétaire doivent s'en douter. Ce qui m'intéressait dans Cristal qui songe, c'était davantage le côté un peu décalé qu'il semblait installer. Un gamin qui mange des fourmis, un cirque, un directeur effrayant et des mystérieux cristaux... Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai pensé à Tim Burton en lisant la quatrième de couverture. A Big Fish, plus exactement. Même si au final ça n'a pas grand-chose à voir. Encore que... (au passage, je me demande s'il était vraiment pertinent de classer ce livre en SF...)

L'auteur, Theodore Sturgeon

Effectivement, l'univers est assez décalé, même si pas autant que je ne le pensais. Entre les fameux cristaux, les personnages hauts en couleur et l'ambiance du cirque, que j'aurais tout de même aimé voir davantage, Theodore Sturgeon dépeint un univers un peu étrange mais pas léger pour autant: il y a des passages assez sombres, certains très violents à la fois physiquement et psychologiquement. Les personnages ne font pas dans la dentelle, à commencer par Armand Bluett - le père adoptif d'Horty - et le Cannibale, qui sont finalement les véritables "monstres" du récit. Mais Horty lui-même n'hésite pas à s'auto-mutiler, certes pour la bonne cause, mais bonjour l'hémoglobine!

Les personnages sont plutôt intéressants, d'ailleurs. Ils ne sont pas très nombreux - ce qui au fond n'est pas plus mal - mais bien développés et charismatiques. Bien sûr, il y a Horty, Zena - la naine qui la prend sous son aile, et qui est vraiment une "grande soeur" attachante - La Havane et Bunny - les deux autres nains du groupe accueillant Horty dans la troupe - et la petite Kay, mais aussi Armand, bien méprisable à souhait et même le Cannibale: en découvrant son histoire, je me suis mis à éprouver un peu de pitié pour lui, ne pouvant le détester complètement - en même temps, vous connaissez sans doute mon amour pour les "méchants". A vrai dire, ce personnage est sans doute le meilleur pour moi du roman. Par ailleurs, il amène quelques réflexions intéressantes sur le monde scientifique qui lui donnent un côté tragique, une espèce de "poète maudit" qui aurait choisi le côté obscur de la Force. J'ai également beaucoup apprécié Solum, ce géant difforme et effrayant, dont le rôle durant les chapitres finaux inverse la partie et le rend charismatique comme pas deux.

J'espère que le Lizalfos en arrière-plan n'est
pas Solum, sinon, ça craint un peu. 
Il est assez difficile de parler de ce roman sans spoiler quoi que ce soit. Et comme le spoil, c'est mal, je vais m'en abstenir. Je peux toutefois vous dire qu'on tient avec Cristal qui songe, un roman qui s'interroge sur les notions de différence et d'humanité. Les "monstres" du cirque (à savoir les nains) sont-ils finalement si différents des autres hommes? N'est-ce pas justement cette différence qui les rend humains?  Cet aspect, je dois le dire, ne m'a pas vraiment marqué, mais il est tout de même important à signaler. Il faut en fait bien garder à l'esprit le contexte d'écriture - les Etats-Unis des années 1950 - pour véritablement comprendre pourquoi Sturgeon s'est fait incendier à la parution de son livre. 



Puisque j'aborde l'écriture, j'ai été surpris d'apprendre que Cristal qui songe a été écrit en 1950. Je lui aurais donné 30, voire 40 ans de moins, mais il faut bien avouer que malgré certains éléments et attitudes des personnages, sur ce point de vue là, il n'a pas du tout vieilli! Le style de Sturgeon  reste très actuel, fluide et par conséquent facile et agréable à lire. Pourtant, allez savoir pourquoi, je n'ai pas été emballé plus que ça. Il me manquait un petit quelque chose qui m'aurait permis de rentrer complètement dans l'histoire. Peut-être certains passages trop elliptiques ou qui auraient mérité à mes yeux qu'on s'y attarde (les dix ans passés au cirque, au hasard) peut-être un manque de descriptions, je ne sais pas. Il y a pourtant du suspense, des révélations, des retournements de situation, des mystères, des pistes volontairement brouillées et des personnages attachants, mais... voilà, quoi. 

Bilan des courses


Peut-être ne l'ai-je pas lu au bon moment. Peut-être ai-je trop dilué ma lecture dans le temps. Peut-être ai-je manqué quelque chose. Je suis tout de même content de l'avoir lu, j'en garde un bon souvenir, le style est fluide, le récit est maîtrise, les personnages sont plutôt attachants, et l'élément fantastique est plutôt original et intéressant. Mais voilà, je n'ai pas accroché plus que ça. Sans doute retenterai-je l'expérience dans quelques temps, afin de voir si mon avis ci-présent est ou non définitif.

Le saviez-tu?
Une adaptation trèèèèèèès libre produite par HBO existe. Elle a été diffusée de 2003 à 2005 et a pour titre Carnivàle, ou La Caravane de l'étrange au pays du camembert.


2 commentaires:

  1. Il est vraiment étrange, et je suis bien contente que mon avis t'ai donné envie ^^
    Comme tu dis, c'est le genre de bouquins qui doit tomber au bon moment parce qu'il peut être dur psychologiquement. Pour ma part j'étais tout à fait dans un état d'esprit pour ce genre de lecture quand j'ai mis la main dessus !
    Et je confirme, il n'a pas vieilli tant que ça ! Je crois que ce n'est pas le cas de tout ses romans par contre. Je compte retenter l'expérience "Sturgeon" avec Les Plus qu'Humains prochainement ;)

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    1. C'est vrai que j'ai été assez surpris par moments de voir que Sturgeon n'hésitait pas à aller parfois très loin, bien plus que ce que l'emballage un peu "grand public" du titre laisse supposer: rien que la scène dans la garçonnière d'Armand, avec Horty grimé en Kay est à un niveau de violence physique et psychologique assez élevé! A ne pas mettre entre toutes les mains, donc, à moins d'être préparé...

      Je pense que je tenterai de le relire, et puis si cette seconde lecture s'avère plus positive que celle-ci, j'essaierai aussi avec les autres oeuvres de l'auteur! ;)

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