dimanche 28 décembre 2014

Lecture, manoir, zombies, et raviollis.

Resident Evil, tome 1: La conspiration d'Umbrella, de S. D. Perry

Chronique de La Cité des Morts (tome 3)
Chronique de Némésis (tome 5)


Raccoon City. Déjà quatre cadavres en un mois, tous victimes de ceux qu’on a surnommés les « tueurs cannibales », parce que les corps ont chaque fois été en partie dévorés. Le dernier espoir de la ville pour endiguer cette violence sans précédent n’est autre que la fameuse escouade des S.T.A.R.S. Cette petite unité d’élite est censée pouvoir parer à toute éventualité… mais face à l’horreur qui les attend dans un manoir à l’abandon, il est bien possible qu’elle se trouve cette fois totalement dépassée.
----- 
"Quelqu'un a oublié de dire à ce type que les morts ne marchent pas." 

      Infos complémentaires:
     Titre original: The Umbrella conspiracy (1998)
     Série: Resident Evil
     Origine: Etats-Unis
     Traduction par Paul Bénita (2014)
     Edition: Bragelonne - Milady (2014)
     280 pages



L'auteure, S. D. Perry
Ce n'est un secret pour personne (tout du moins, je ne m'en cache guère) je suis un fan de la saga vidéoludique Resident Evil. Pas que nos amis les zombies m'attirent particulièrement, mais l'ambiance de la série, les personnages, le côté un peu nanardesque assumé, les énigmes débiles, le background aussi (vous pourrez dire ce que vous voulez, il existe, et il est sympathique) tout ça a contribué à faire de Resident Evil - alias Biohazard pour nos amis les nippons - une de mes séries préférées. Imaginez alors un peu quelle fut ma joie lorsque j'appris qu'il existait des romans adaptés de l'univers! Je ne suis pas le genre de fan aveugle prêt à acheter tout ce qui porte le nom de la saga, néanmoins, quand on titille ma fibre nostalgique et qu'on me pousse à revisiter les lieux autrement, je ne peux décemment pas dire non. 
Retour en septembre 1998, donc. Alors que Raccoon City, ravagée par la prolifération du virus-T, est à deux doigts de l'annihilation totale, Resident Evil explose tous les records avec un second opus qui achève de populariser la série auprès du public. Un troisième épisode (qui par la suite se "scindera" en deux pour devenir à la fois Nemesis et Code Veronica) est déjà en chantier. C'est à cette époque que Stephani Danelle Perry (alias S. D. Perry) une jeune auteure américaine déjà connue pour des novélisations de Aliens et Aliens vs Predator, publie le premier roman de la série Resident Evil, adaptant la saga vidéoludique. La conspiration d'Umbrella revient sur les évènements du tout premier épisode afin d'en offrir une relecture. 

Le vif du sujet


Le manoir Spencer, théâtre des évènements
La première chose qui marque - et qui marche - lorsqu'on lit ce livre, c'est bel et bien la fidélité du avec le support d'origine. Les évènements du jeu sont retranscrits fidèlement, ce qui titille la fibre nostalgique du lecteur qui y a joué. Les descriptions nous amènent à revisiter les pièces et les couloirs du manoir Spencer, le tout sans oublier les scènes emblématiques qui ont marqué les joueurs - l'entrée en scène surpise des Cerberus par les fenêtres en est un exemple des plus probants. Même les énigmes et certains puzzles répondent à l'appel, forçant les personnages à se triturer les méninges - mais pas trop longtemps quand même, faut pas exagérer non plus. De quoi embarquer le fan dans les souvenirs de ses parties nocturnes, quand il tremblait dans ses chaussettes à chaque coin de mur tout en se demandant quoi faire de ce p*tain de médaillon.
Mais, et c'est là le premier gros problème du titre, si j'ai beaucoup apprécié ce petit voyage dans le temps, j'avais durant ma lecture souvent plus l'impression d'avoir affaire à un guide romancé - et certes "simplifié" - du jeu qu'à une véritable adaptation littéraire. Ne seraient-ce que les descriptions, à la fois un peu vagues, mais paradoxalement trop précises, surtout pour quelqu'un qui n'aurait jamais touché au jeu: si ces détails-clins d'oeil sont suffisants pour permettre à l'amateur de visualiser instantatément la pièce en fouillant dans sa mémoire, le néophyte risquera au contraire de trouver cela très obscur, n'ayant pas les références suffisantes. La progression des personnages est elle aussi encore trop "vidéoludique". Les aller-retours, les énigmes, les boss, les ennemis à la puissance "progressive", les différentes zones, les items... Evidemment, il aurait été difficile de se détacher complètement du jeu, et il y a eu un effort de la part de l'auteure pour rendre le tout plus potable en livre. Le coup des pièges et des énigmes tordues est d'ailleurs justifié par le scénario - un architecte génial et un commanditaire cinglé. Mais voilà, c'est encore insuffisant, et je pense qu'il aurait tout à fait été possible d'aller encore plus loin tout en restant fidèle.

C'est ce genre d'ambiance qui fait que le roman ne parvient pas à égaler le jeu original, et surtout pas le Rebirth de 2002.
Ce qui nous amène au second gros problème: l'ambiance. La volonté de coller au plus près aux évènements du jeu est fort louable, et donne son intérêt au titre, mais il y a une nette différence entre retranscrire ce qu'il se passe et transposer une expérience d'un support à un autre. Pour créer cette expérience, le titre de Capcom se base entre autres sur sa mise en scène (les angles de caméra, le hors-champ, l'ambiance sonore, etc.) sur la solitude et la vulnérabilité (munitions et sauvegardes limitées, ennemis nombreux, pièges en tous genres, etc.) face à ce monstre qu'est le domaine, et bien entendu, sur l'interaction avec le joueur. Jusqu'au gameplay lourdingue qui rend les combats, esquives et déplacements plus ardus, surtout en cas d'affolement, tous les éléments du titre contribuent à mettre en place une ambiance particulière, glauque (certes pas autant que chez certains concurrents, à commencer par Silent Hill) pas vraiment très rassurante, et pourtant grisante, qui en aura fait trembler plus d'un. Le joueur se sent vulnérable, impuissant même, et quelque soit son niveau de prudence, il sait que le jeu arrivera à le surprendre au moment où il s'y attend le moins. 
Ce paragraphe peut paraître un peu HS, étant donné que je suis censé aborder ici le roman, et non pas le jeu, mais il est primordial de garder ces éléments en tête pour bien comprendre où, selon moi, le bât blesse. En effet, comme je le disais tantôt, si le livre retranscrit à merveille les évènements du titre, il peine en revanche à installer une véritable ambiance horrifique, voire même stressante, aucune véritable tension, puisqu'il se contente de décrire les évènements, mais ne possède pas les éléments utilisés par le support vidéoludique. C'est un peu comme pour le point précédent: il y a quelques tentatives, comme le nombre de balles limitées qu'on nous rappelle souvent ou les différentes "séquences" - j'y reviendrai - qui s'achèvent généralement sur une petite note de suspense. Mais, comme pour le point précédent, c'est hélas trop peu exploité. Bien sûr, si on connaît déjà l'histoire, on sait que Jill, Chris & co vont s'en sortir. On sait quel piège, quel monstre les attendent à la prochaine porte. Au fond, c'est comme recommencer une nouvelle partie. Mais de même que le scénario B de Resident Evil 2 était parvenu à surprendre les joueurs en leur donnant des sueurs froides supplémentaires, j'aurais apprécié d'être un peu surpris et de retrouver un peu de tension dans cette adaptation. Et puis même sans reprendre l'exemple que je viens de citer, il y a certains films, certains livres qu'on a beau avoir vus/lus des centaines de fois, à chaque fois, on se demandera à nouveau si les personnages vont s'en sortir, et comment. Parce que l'oeuvre en question possède cette tension qui fait qu'on est pris dedans à chaque fois comme la première. A chaque nouvelle partie, c'est un peu pareil: au fond, tu sais ce qui t'attend, ce qu'il faut faire, et comment, mais tu n'es pas sûr de pouvoir y arriver, surtout dans un jeu comme Resident Evil. En fait, pour continuer avec les exemples comparatifs (c'est le dernier, promis!) lire ce livre m'a rappelé mon visionnage du film World War Z. A aucun moment, je n'étais vraiment tendu, ni stressé, ni quoi que ce soit. Pourquoi? Parce que c'est f****ng Brad Pitt, le héros, et qu'en plus, c'est un ancien militaire surentraîné. On a beau lui foutre une famille à protéger, des coéquipiers contaminés et une invasion de zombies, on sait qu'il va s'en sortir avec en prime un brushing toujours impeccable.

Petite piqûre de rappel, dans RE2, on devait en plus de l'aventure affronter ce loustic.
Ce joyeux luron vous traque sans relâche, et n'hésite pas à détruire murs et portes pour vous rejoindre.

Sans tergiverser plus longtemps, je vous propose de passer au troisième point, qui est intimement lié au second: la narration. S. D. Perry a fait le choix d'alterner l'aventure du point de vue de Jill Valentine et du point de vue de Chris Redfield - les fameuses "séquences" évoquées plus haut - en se permettant même de temps en temps un petit détour par Barry et Wesker. En soi, c'est plutôt une bonne chose, et je vois difficilement comment on aurait pu faire autrement, de toute manière, à moins de s'accorder de grosses libertés scénaristiques. Ce qui est très intéressant avec cet aspect, c'est qu'en plus de suivre Jill et Chris de manière égale, il permet surtout de visualiser en direct les agissements parallèles des différents personnages, de savoir ce que faisait A pendant que B était là, comprendre où était passé C... Par ailleurs, ces passages s'achèvent bien souvent sur une révélation, un retournement de situation ou une situation qui paraît désespérée, afin de créer un peu de suspens. Plutôt sympa. Suivre Wesker et ses agissement en direct est également bien pratique pour comprendre d'emblée ses motivations sans avoir à se taper un flash-back/"résumé des épisodes précédents" au moment où il se dévoile. 
Maintenant que nous avons ratissé les côtés positifs, retournons la pièce et voyons les côtés négatifs de ce troisième point: premièrement, tout s'enchaîne trop vite, et on passe si rapidement d'une séquence à l'autre qu'il est difficile d'installer une véritable tension. Deuxièmement, même s'il était inévitable de procéder de cette manière pour l'adaptation, dans le jeu, une grande partie du sentiment de vulnérabilité vient, selon moi, du fait qu'on n'a absolument aucune idée de ce qu'il se trame, aussi bien pour les autres (où sont-ils, que font-ils, sont-ils encore en vie...) qu'en général, et du fait qu'on est presque toujours tout seul, livré à nous-même dans cette grande bâtisse. Ce sentiment est justement un peu tué dans l'oeuf par ces fréquents changements de point de vue, instaurant selon moi un climat bien trop rassurant pour être épeurant. Troisièmement, l'un des points intéressants du jeu était qu'on ne découvrait ce qu'il s'était passé que petit à petit, grâce aux divers documents éparpillés sur tout le domaine. Ici, le problème est que l'on apprend trop vite ce qu'il s'est passé et ce qui se trame en suivant Wesker. Dommage... Mais si cela m'a un peu déçu, je relativise tout de même: il est indéniable que le roman s'adresse aux fans du jeu, aussi ils connaissent déjà l'intrigue, et pour le coup, suivre Albert W. en parallèle était plutôt une bonne chose.

"Jospeh!", "No! Don't go!" Ah, la vieille intro de RE1 et sa cheapittude légendaire... 

En dehors de ces trois (très) gros points, j'ai beaucoup apprécié de retrouver les personnages que j'affectionne (surtout Jill et Barry, à vrai dire) même si la vision qu'en a l'auteure ne m'a pas toujours forcément convaincu. Pour le passif de Jill, le caractère dont elle fait montre au début et son attachement aux deux fillettes disparues, je dis "pourquoi pas", mais ce n'est pas comme ça que je vois ma Jill. Idem pour Barry, qui fait plus "aîné un peu rebelle du fond de la classe" dans les premiers chapitres, que "patriarche un peu nounours de l'équipe", ce pourquoi je l'appréciais. Quant à Chris, il m'a paru un peu trop (mais dans la limite du convenable) idéalisé par moments, mais globalement, je l'ai trouvé sympathique. Fort heursement, une fois franchies les portes du manoir, tout "rentre dans l'ordre", et j'ai retrouvé mes personnages adorés. A savoir que Wesker me laisse toujours un peu indifférent, surtout que, même s'il faut avouer qu'il a la classe, il passe aussi un peu pour un con, parfois. 
Enfin, j'ajouterai que je suis plutôt satisfait des premiers chapitres, qui précèdent le départ de l'équipe Alpha des S.T.A.R.S. pour les montagnes d'Arklay. Ils offrent de l'inédit plutôt sympathique, et nous permettent même de faire connaissance avec l'équipe Bravo, même si à côté ils développent certaines facettes de la personnalité de nos héros que je n'ai pas forcément appréciés et créent quelques incohérences avec certains éléments qu'on apprendra plus tard dans les épisodes suivants.* Par ailleurs, le fameux personnage ajouté par Perry, qui a l'air propre à sa saga, ne m'a que moyennement convaincu: le coup du type qui sort de nul part, se la joue mystérieux et sait tout mais ne le dévoile qu'au compte-goutte, j'aime moyen. Surtout qu'en plus il a l'air de revenir pour la suite, le bougre...
Pour terminer, un petit mot rapide sur le style de l'auteure. Je n'ai pas forcément été fan de son côté parfois un peu trop "direct", mais ça doit venir de la traduction - certaines choses passent mieux en anglais qu'en français. Néanmoins, il faut avouer que ça se lit facilement et rapidement, sans prise de tête. Divertissant, donc, sans plus.

La couverture de la première édition assume
davantage le côté un peu "série B" du titre.

Bilan des courses


Une version "guide romancé" du jeu, avec tout de même quelques prises de libertés, plus qu'une véritable adaptation de l'histoire. Si le côté nostalgique est bel et bien présent - c'est toujours agréable de reparcourir les couloirs du manoir Spencer d'un autre point de vue! - je n'ai toutefois pas été entièrement satisfait: exceptés quelques rares passages, l'ambiance particulière du jeu manque un peu à l'appel, et les quelques ajouts ou modifications ne m'ont que moyennement convaincu. L'ouvrage demeure cependant divertissant et possède quelques bonnes idées, de quoi passer un bon moment, mais à réserver aux fans du jeu et de la série; pour les autres, il ne sera que de peu d'intérêt.

L'équipe des S.T.A.R.S. au grand complet! Saurez-vous deviner qui est qui?
________________________________________

*Je pense particulièrement au départ de l'équipe Bravo, qui a lieu en réalité 24 heures avant celui de l'équipe Alpha, et non pas à peine une heure après... Mais c'est un élément qui restait indéfini dans RE1, et que l'on ne nous livre que dans RE0, lequel est sorti en 2002, soit 4 ans après le roman...

Note: les images de jeu proviennent de Resident Evil 1, l'original de 1996, et le remake de 2002, et de Resident Evil 2. L'artwork est  quant à lui associé à l'opus de 1996.
______________________________________________

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire