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jeudi 6 juillet 2017

Le Fabuleux destin d'Hippolyte Griffont

[Pause-lecture] Le Paris des Merveilles, de Pierre Pevel (cycle en trois tomes, 2003 à 2015)


Trilogie composée des tomes suivants : Les Enchantements d'Ambremer (2003), L'Élixir d'Oubli (2004) et Le Royaume Immobile (2015)

Alleeez... Vous aussi... Vous aussi cédez à l'appel de ces couvertures magnifiques...

Les messieurs ont de fières moustaches, des chapeaux melons ; les dames portent des corsets, des jupons, des bottines à boutons. Déjà, de rutilants tacots pétaradent parmi les fiacres le long des Grands Boulevards aux immeubles haussmanniens. Mais ce n’est pas le Paris de la Belle Époque tel que nous l’entendons : la tour Eiffel est en bois blanc, les sirènes ont investi la Seine, les farfadets, le bois de Vincennes, des chats-ailés discutent philosophie et une ligne de métro permet de rejoindre le pays des fées.

Occupé à enquêter sur un trafic d’objets enchantés, Louis Denizart Hippolyte Griffont, mage du Cercle Cyan, se retrouve mêlé à une série de meurtres. Confronté à des gargouilles immortelles et à un puissant sorcier, Griffont n’a d’autre choix que de s’associer à Isabel de Saint-Gil, une fée renégate que le mage ne connaît que trop bien...
Bienvenue dans le Paris des Merveilles.
(quatrième de couverture du tome 1) 

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Il était une fois le Paris des Merveilles…
Où l’on plante le décor d’un Paris qui n’exista jamais tout à fait.
Les contes d’autrefois, ainsi que les fabuleuses créatures qui les inspirèrent, ont une patrie. Cette patrie se nomme l’OutreMonde. Ne la cherchez pas sur une carte, même millénaire. L’OutreMonde n’est ni un pays, ni une île, ni un continent. L’OutreMonde est… un monde, ma foi. Là vivent les fées et les licornes, les ogres et les dragons. Là prospèrent des cités et des royaumes que nous croyons légendaires. Et tout cela, au fil d’un temps qui s’écoule autrement. "

   Origine : France
   Edition : Bragelonne (2015)


Les couvertures renvoient
évidemment à l'Art Nouveau et
au travail de Mucha
Décidément, Pierre Pevel a bien de la chance ! Bien de la chance d'avoir des artistes aussi talentueux pour réaliser les couvertures de ses romans ! D'abord Hervé Leblan, et désormais le somptueux travail de Xavier Collette pour la réédition de son Paris des Merveilles... Non, vraiment, y a pas à dire, il est gâté ! Si un jour mon traité de nécromancie est accepté par les maisons d'édition - les vraies, pas celles qui publient ces livres aux titres étranges distribués par des gens tout aussi étranges et trop bien habillés pour être honnêtes à la sortie du métro (gratuitement en plus, comme quoi il y a bien anguille sous roche) - je vendrais volontiers le rein de quelqu'un d'autre (les miens, j'en ai besoin) pour qu'il puisse disposer d”une couverture à la fois aussi accrocheuse, belle et réussie techniquement. Malheureusement, je ne suis pour le moment qu'un pauvre vieil ermite grincheux coincé au fond d'une grotte qui peine déjà à rassembler suffisamment de rubis pour ses études et son aménagement intérieur à la fois... Et comme la nécromancie n'est pas encore revenue à la mode, je pense que je peux me brosser pour une parution prochaine de mon traité à l'échelle internationale, avec le déferlement de billets verts, de dîners mondains en compagnie de Popeck à Issy-les-Moulineaux, d'articles dans Gala, et d'admirateurs(trices) en folie qui vont avec. 
Alors en attendant, tout ce que je peux faire, c'est digresser sans raison, faire des transitions moisies, et encore une fois, à défaut d'en avoir une belle à mon nom, tomber dans le piège de la couverture alléchante. Car oui, une fois de plus avec Pevel (si, si, souvenez-vous!) je suis tombé dans le piège de la couverture alléchante. Je suis loin d'être le seul, du reste, et je suis d'ailleurs par la suite parvenu à entraîner bien d'autres personnes dans ma chute (gniark gniark). Mais bon, on va dire pour être gentil avec moi-même que je ne suis pas un pigeon total, je connaissais déjà un peu l'auteur, donc savais qu'il était une valeur plutôt sûre, et puis l'univers une fois de plus me paraissait fort intéressant, séduisant même. Donc voilà : belle couverture alléchante, oui, mais pas que. 



Une vision verdoyante d'un Paris steampunk,
par le talentueux dessinateur Gwendal Lemercier
Le Paris des Merveilles nous transporte ainsi tout droit dans un Paris de la Belle-Époque revisité : les créatures merveilleuses se mêlent aux humains, les mages ont pignon sur rue, le métro mène jusqu'à Ambremer, capitale des fées, et les arbres magiques ont envahi les parcs et les allées... Ce cadre bien connu qu'est celui de la capitale s'offre ainsi une nouvelle jeunesse, dans ce contexte historique teinté de fantasy, et c'est ma foi très rafraîchissant ! Le passage dans ce monde à la fois connu et nouveau se fait d'ailleurs très naturellement, Pevel ayant l'intelligence de ne pas trop insister sur les spécificités de son univers - simplement quelques petites explications rapides de temps en temps. C'est une chose que j”avais déjà beaucoup appréciée dans Les Lames du Cardinal, du même auteur, cette façon de distiller le merveilleux par petites touches discrètes, qui donne un côté un peu familier à cet univers qui nous semble finalement assez proche.
Il y a en fait j'ai trouvé comme un climat de complicité qui se crée entre  l'auteur et son récit, et le lecteur, appuyé par les quelques interventions directe du narrateur/auteur - comme lorsqu'on est incité à lire tel ou tel roman par exemple. (En fait, et encore une fois ça n'engage peut-être que moi, mais j'ai même trouvé à la trilogie un côté «exercice de style» façon «roman-feuilleton d'aventure du XIXe-début XXe».) Évidemment, il ne faudra pas trop rechercher dans les descriptions de ce cadre du naturalisme à la Zola, on est ici avant tout dans un Paris assez idyllique, un Paris de carte postale - tout comme pouvait parfois l'être celui des Lames du Cardinal. L'époque et le ton du récit s'y prêtent bien sûr, même si un peu de nuance n'aurait parfois pas fait de mal. 


Et qui dit Paris historique, même fictif, dit personnages et œuvres célèbres en tous genres, on retrouvera ainsi disséminés tout au long du Paris des Merveilles des clins d'œil et autres références sympathiques et nombreux. Peut-être un peu trop d'ailleurs. Il est toujours agréable de retrouver des personnages connus dans une autre histoire ou un autre univers, et rencontrer Georges Méliès aux côtés de Griffont avait quelque chose de vraiment plaisant - longue vie à tonton Georges (bon ça risque d'être difficile, voilà prêt d'un siècle qu'il a passé l'arme à gauche...) un grand bonhomme dont je respecte et admire sincèrement le travail, et qui en plus avait l'air d'être un monsieur plus que charmant. De même, les références à la grande crue de 1910, aux œuvres de Jules Verne et de Gaston Leroux, à Merlin, Voltaire et Clémenceau, etc. n'ont en soi rien de problématique, et permettent même de rendre plus vivant, plus crédible et plus sympathique cet univers en l'habitant de figures et d'événements connus... mais parfois, j'avais vraiment l'impression que Pierre Pevel me martelait les côtes à coups de coude en me soufflant du «hey! hey ! y a aussi machin ! t'as vu, t'as vu? » alors que je voulais juste lire tranquillement, ce qui, vous en conviendrez, n'est jamais très agréable. 
C'est un travers qu'on retrouve dans les deux premiers tomes, et heureusement beaucoup moins dans le dernier, écrit plus tardivement, à croire que Pierre Pevel lui-même s'est rendu compte avec le temps que les coups de coude en plein thorax, ben ça fait mal, et a décidé d'agir en conséquence.

Aux côtés de ces personnages bien réels, se côtoient les personnages de Pierre Pevel, hauts en couleurs, qui sont une fois de plus une de ses grandes réussites, même s'ils ne sont pas très creusés. Les relations et interactions qu'ils ont fonctionnent parfaitement, les répliques fusent et font mouche, notamment pour ce qui est de notre couple phare à l'alchimie parfaite, à savoir celui que forment Hippolyte Griffont et la Comtesse Isabel de Saint-Gil. Petit coup de cœur de mon côté pour les chats-ailés, Azincourt et son faux accent anglais en tête, et Balthazar, l'arbre savant, qui tristement n'apparaît plus dans le dernier tome.

Ce cher bon vieux Balthazar (par Grégos)
est un très bon ami et confident de notre Griffont national.
 

La plume de Pevel est quant à elle assez légère, sans prise de tête et sans chichis, rien de mieux pour nous transporter dans ce décor littéralement féérique. La visite se fait sous forme d'enquêtes aventureuses riches en rebondissement, chacun des tomes - tout en conservant un esprit général et un rythme assez similaires (ce qui est d'ailleurs la raison pour laquelle je chronique les trois d'un coup, ça et le fait que j'ai lu les deux premiers tomes il y a trop longtemps pour m'en rappeler parfaitement - ma mauvaise mémoire de vieux grincheux me perdra - et que je trouvais dommage de ne chroniquer que le dernier en solitaire...) - optant pour un ton un peu différent afin de présenter le plus de facettes possibles de cet univers : une première permettant de faire connaissance avec l'Outremonde, son Histoire et ses légendes fondatrices; la seconde dressant un portrait plus nuancé de la Féerie, en traitant de ses guerres, sur un fond de complot draconnique et de vieilles histoires remontant à deux siècles auparavant, qui permettent en outre, via des «flashbacks» entrecoupant le récit au présent d'en apprendre davantage sur les débuts de la relation Hippolyte-Isabel et la fondation des Cercles de Magie - deux histoires donc en parallèle, l'une dans le passé, l'autre dans le présent, découlant forcément de la première ; et enfin la dernière, poursuivant légèrement le chemin entamé dans le tome précédent, en plaçant une résolution de meurtre dans un climat politique trouble marqué par des attentats, des machinations et de nombreux mystères risquant de bouleverser certains des secrets les mieux gardés du trône d'Ambremer... Même s'il garde le côté assez léger de la série, j'avoue avoir particulièrement apprécié le ton plus contrasté, plus sombre même, de ce dernier épisode.

Cette course-poursuite mouvementée sur les toits de Paris
(illustrée par Dimitri Armand, aka Mishkin) devrait
rappeler quelques souvenirs aux lecteurs...
Je suis un peu plus mitigé en revanche en ce qui concerne les intrigues proprement dites : à vrai dire, si j'ai un bon souvenir de l'univers et des personnages, j'ai par contre bien du mal à me rappeler beaucoup de choses concernant l'histoire de chacun des volumes - même le troisième, que j'ai pourtant terminé il y a peu ! Je me souviens surtout d'un rythme un peu en dents de scie, de ficelles un peu grosses et parfois bancales, de développements (ou d'absences de développements) parfois mal gérés - je pense notamment au second tome et à son intrigue dans le passé qui à mes yeux ne méritait pas d'être aussi longue. Les intrigues ont un peu tendance à partir dans tous les sens en fait : pas mal de portes sont ouvertes en cours de récit, ce qui en soit n'est pas un mal, mais on passe plusieurs fois d'une intrigue en cours à l'autre de manière assez brusque, comme balloté sans raison d'un bout à l'autre du récit, et certaines des dites portes se voient alors fermées en catastrophe à la fin de l'histoire sans forcément avoir eu de dénouement digne de ce nom. Davantage de structure n'aurait donc pas été un mal. 
Et puis, les fins, les fins nom de Méliane ! Celle du second tome, à la limite passe encore avec une grosse scène d'action, mais la première et la troisième sont d'une tristesse... Surtout la dernière, malheureusement, alors qu'elle achève pourtant la série ! Tu parles d'un adversaire final ! Et d'une conclusion sèche et concise ! Mais que t'est-il arrivé, Pierre, en cours d'écriture? Tel Nicolas et cette bande de racailles, tu en avais assez, et tu voulais en être débarrassé ? Mais si notre ami Pevel semble avoir un peu de mal avec ses conclusions (quelque-chose que je lui reprochais déjà dans Les Lames du Cardinal - oui, ce livre a décidément été un invité d'honneur de cette chronique), en revanche, il maîtrise à merveille l'art des rebondissements et les scènes d'action, qui permettent heureusement de dynamiser les enquêtes !  

Puisqu'on est dans le thème de l'"uchronie parisienne steampunk", j'en profite pour vous recommander
chaudement le très chouette film d'animation Avril et le Monde Truqué, si vous ne l'avez pas déjà vu !

Il n'y a pas à dire, Pierre Pevel est toujours plein d'idées lorsqu'il s'agit de placer de la fantasy dans un cadre historique, et d'instaurer une atmosphère réussie à ces univers. Il en résulte cette fois-ci une trilogie qui vaut surtout pour ses personnages hauts en couleurs et son ambiance plutôt originale, mêlant Paris de la Belle-Époque et fantasy à base de créatures merveilleuses issu du folklore européen traditionnel, dans des enquêtes rocambolesques dont la forme rappelle les romans-feuilletons d'aventures de l'époque. Je trouve dommage toutefois que le même soin n'ait pas été apporté au déroulement des scénarios, qui souffre surtout à vrai dire d'un rythme un peu bancal et de développements en dents de scie, pour s'achever sur des dénouements à la fois un peu forcés et frustrants de par leur précipitation. Les enquêtes manquent finalement de la structure et de l'ampleur nécessaire pour être suffisamment mémorables. 
Reste que le ton de l'œuvre et la plume de Pevel, plutôt légers, rendent la lecture facile et rapide, idéale pour se détendre. (Au passage, les trois tomes ayant une construction et un rythme assez semblables, je recommanderais de ne pas les lire tous d'une seule traite, pour faciliter la digestion - laissez mijoter un peu avant d'attaquer la suite, faites durer le plaisir ! ;) ) Pas un coup de cœur pour cette trilogie, donc, mais néanmoins de bonnes lectures-détentes que j'ai appréciées notamment pour les personnages et l'univers rafraîchissants et hauts en couleurs - bien plus que l'histoire, malheureusement, dommage pour ce point.


samedi 24 mai 2014

Lecture: Les Lames du Cardinal, I - Pierre Pevel

 1633, sous le règne de Louis XIII. Le cardinal de Richelieu veille à la bonne marche du royaume de France, de plus en plus menacé par l'Espagne et ses nouveaux alliés: les dragons. Or, à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels: le Cardinal se voit contraint de faire appel à une compagnie d'élite qu'il avait lui-même dissoute. Sous le commandement du capitaine La Fargue, les bretteurs les plus vaillants et les plus intrépides que possède le royaume sont ainsi réunis pour former à nouveau les redoutables Lames du Cardinal.


Je le dis sans honte, je suis tombé dans le piège de la belle édition - je ne pense pas être le seul, d'ailleurs. En l'occurence, on tient là un beau spécimen, qui a le chic pour vous mettre dans l'ambiance avant même de l'avoir acheté. Regardez-moi cette couverture, façon détournement de tableau baroque, qui est juste magnifique... Il y a même de fausses craquelures, c'est dire si c'est pas du beau boulot! Par dessus tout, il nous ont ajouté une jolie jaquette parcheminée avec un plan du vieux Paris en fond, ils ont choisi une jolie police d'écriture, et les lettres sur la tranche et la couverture sont en relief! Ben moi, j'appelle ça du beau boulot. Un beau piège à lecteur. Alors moi je passe, tranquillement, histoire de voir s'ils n'ont pas du Terry Pratchett que je n'aurais pas déjà lu et là, PAF! 
... non, ça ne fait pas de chocapics. 
... et donc, je tombe là-dessus. Qu'est-ce que vous vouliez que je fasse d'autre, monsieur le Juge? Il me regardait, avec sa belle couverture implorante, et son résumé alléchant... Alors forcément, je l'ai pris - avec un voisin Pratchettien, cela va sans dire, mais ceci est une autre histoire.



Comme vous l'aurez sans doute deviné, Pierre Pevel puise son inspiration entre autres chez Dumas, pour nous livrer ce premier tome d'une trilogie éponyme mêlant fantasy et roman de Cape et d'Epée. Personnellement, je ne suis pas très familier avec ce type d'oeuvres - même si j'adore "Le Scorpion" et "De Cape et de Crocs" - c'est plutôt l'aspect "roman historique" qui m'avait intéressé. (Et oui, les dragons aussi. Mais pas que.) De ce côté-là, je suis plutôt satisfait de cette lecture: le style de l'auteur, simple mais efficace, nous transporte agréablement dans cette France du début du XVIIe, à l'aide de quelques descriptions discrètes et de nombreux détails. On a même parfois droit de la part de l'auteur à une petite leçon d'Histoire, sur le Palais-Cardinal, les faubourgs de Paris... Fort heureusement, tout cela est parfaitement distillé, et ne vient jamais gâcher la lecture ou interrompre le récit trop longtemps - on n'est pas non plus chez Zola, ici. Non, on a juste de quoi visualiser ce Paris du XVIIe, son ambiance, sa vie grouillante, ce que l'auteur parvient à rendre avec justesse. Une carte est d'ailleurs présente en début de tome pour aider le lecteur à se situer, bonne initiative de la part de l'éditeur (de l'auteur?).* 
Bref, on prend un réel plaisir à se promener en ville aux côtés des personnages.

L'ancien Palais-Cardinal, aujourd'hui le Palais-Royal, 
que Richelieu fit construire en 1628, théâtre de nombreuses intrigues.

Puisqu'on parle des personnages (notez la transition) on a affaire ici à un joli petit groupe de têtes ma foi fort sympathiques. Pas un héros, mais tout un groupe, les fameuses "Lames", chacun ayant sa personnalité et son histoire propres, qui sont malheureusement encore trop survolées dans ce premier tome. Aucun n'est vraiment davantage mis en avant que les autres, ce qui est une bonne chose - il n'y a rien de plus exaspérant que de voir un personnage que l'on trouve insupportable prendre la vedette - et chacun aura son moment de gloire. J'ai tout de même l'impression que l'auteur éprouve une sympathie particulière à l'égard de Marciac, le bellâtre coureur de jupons de la bande, avec lequel j'ai parfois un peu de mal** bien qu'il reste tout de même assez sympathique pour ne pas être à mes yeux entièrement détestable. Je regrette également qu'Almadès, le maître d'armes espagnol, se montre si effacé - alors qu'il avait tant de potentiel!
Davantage de scènes où les Lames sont réunies n'auraient pas non plus été de trop. Peut-être enfin leur manque-t-il une touche de profondeur, pour qu'on réussisse vraiment à s'attacher à eux. Sans doute aurait-il donc fallu allonger un peu le récit, où réduire le nombre, assez élevé, de personnages présentés dans ce premier opus. Ces scènes de groupe, si elles avaient été plus nombreuses, auraient pu être l'occasion de les développer davantage, d'autant que certains paraissent finalement plus être des archétypes qu'autre chose. Non et puis, par moments, j'ai vraiment eu l'impression de voir des attitudes, des façons d'agir, des répliques clichées, vues mille fois ailleurs, aussi bien dans les livres qu'au cinéma, d'ailleurs. Dommage!

La couverture de l'édition Bragelonne. Plusieurs Lames manquent à l'appel, 
dont - entre autres - Almadès. Le pauvre n'a décidemment pas de chance...

Mais globalement, malgré ces quelques points, les personnages restent assez réussis, étant même une des forces de ce premier opus. Personnellement, j'aime beaucoup le mystérieux Saint-Lucq, et surtout le Cardinal - qui a un petit côté "Patricien Vétérini", ce qui n'est pas pour me déplaire. Les personnages féminins, Agnès en tête, ne se laissent pas marcher sur les pieds, et parviennent facilement à tenir tête aux mâles forts et courageux. Les "méchants" non plus ne sont pas en reste, avec à leur tête un excellent duo  très charismatique, formé de la belle vicomtesse de Malicorne, dragonne à l'apparence trompeuse, et de son bras droit-ami le marquis de Gagnière. Très sincèrement, les scènes entre ces deux personnages sont tout simplement jouissives. J'ai d'ailleurs trouvé dommage que la conclusion de ce tome semble apparemment mettre en péril le devenir de cet excellent couple. Sans trop spoiler, disons qu'au vu de la conclusion, il est probable que les principaux antagonistes des tomes suivants soient surtout des nouvelles têtes.

Cette conclusion réserve d'ailleurs quelques - autres - surprises, en plus d'être bourrée d'action. Les évènements s'enchaînent à toute vitesse, là où le reste du récit avance tranquille-pépère, présente beaucoup de choses et ouvre beaucoup de portes, sans toutes les refermer. L'intrigue prend donc son temps pour se mettre en place, et ne démarre véritablement qu'à partir de la seconde partie, à 150 pages sur 400, donc, lorsque les Lames commencent seulement à se réunir. Ainsi, tout au long du récit, on sent bien qu'on n'a affaire qu'au premier tome de cette trilogie, ce qui lui confère par moments un côté "Introduction à la série" - bien qu'il soit évidemment possible de le lire de manière indépendante.
Je reste en outre un peu dubitatif quant à la façon dont est tournée la conclusion: pour moi elle déteint un peu avec le ton adopté lors du récit. En soi, ce n'est pas une mauvaise chose, mais j'ai eu l'impression que les éléments se précipitaient plus par nécessité, parce qu'il fallait bien qu'on termine le tome sur un moment épique, que par un véritable enchaînement naturel des choses. Ce qui rend l'apparente séparation du couple Gagnières-Malicorne d'autant plus frustrante, étant donné que leurs projets semblent déjoués avec un peu trop de facilité, sans réelle opposition, et surtout sans que personne ne l'aie vraiment vu venir, lecteur y compris.

Reste que globalement, l'intrigue reste plutôt maîtrisée, de bout en bout, jusqu'au retournement de situation final, qui donne vraiment envie de lire la suite pour en savoir plus. Quant aux dragons, l'élément fantastique, je les ai trouvés intégré de façon assez naturelle au récit, faisant partie intégrante de l'univers. Il se sont pour le moment fait plutôt discrets, mais nul doute qu'il prendront plus d'importance lors des tomes suivants!

Durant ma lecture, je m'imaginais Savelda, un sale type à la solde de la Loge Draconnique, 
en David Suchet version "Going Postal", le haut-de-forme en moins. Allez savoir pourquoi.


Les "pluches" du récit:
→ Le groupe de héros
→ Les méchants
→ Richelieu
→ Les dragons, discrets mais bien intégrés à l'univers
→ Niveau roman historique, ça se tient
→ Une bonne alchimie fantasy-cape et épée
→ Des moments héroïques et épiques
→ Les retournements de situation
→ Un style efficace, facile et rapide à lire.
→ Un univers intéressant
Les "oui mais non" du récit:
→ Un style qui ne m'a pourtant pas vraiment conquis
→ Pas mal de clichés
→ Un côté un peu trop "introduction"
→ Une conclusion qui semble un peu forcée et expéditive
→ Pas suffisamment de scènes de groupe
→ Pas assez de profondeur dans certains des personnages.



Le mot de la fin:
Si ce premier tome fut une lecture agréable, je n'ai pas non plus été totalement transporté. Si le récit est plutôt rythmé et globalement maîtrisé, avec des personnages charismatiques et un univers intéressant, il subsiste néanmoins des défauts qui le rendent un peu inégal. De plus, malgré les qualités que je lui trouve, le style de l'auteur ne m'a pas emballé plus que ça. Cela ne m'empêchera cependant pas de lire la suite (sans doute pas avant un moment, toutefois) ce qui a été grandement influencé par les retournements de situation finaux.

Allez, ça reste quand même un bel hommage à l'oeuvre du "Père Alexandre", et les amoureux des Mousquetaires devraient y trouver leur compte. Disons que je lui décerne une Rapière d'Or, un prix à cent pour cent made in moi-même!


"Le cardinal de Richelieu au siège de La Rochelle", de Paul-Henri Motte (1881). 
Si historiquement, ce siège (1627-1628) fut une victoire pour l'Armée Royale de France, 
Pierre Pevel propose une version toute différente des évènements...


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(*) On regrettera juste que les noms des principaux faubourgs et artères ne soient pas indiqués; pour des gens comme moi ne vivant pas sur la capitale, c'est parfois un peu gênant, bien qu'on parvienne malgré tout à s'y retrouver.
(**) Remarquez, c'est plutôt ce type de personnages que celui-ci en particulier qui m'insupporte.